Histoire & Enseignement

l'Association Belge des Professeurs d’Histoire d’Expression Française

Par J.-L. Jadoulle,
Professeur à l’Université de Liège 

27 août 2012

Adapté d’après la contribution publiée sous le même titre dans Enjeux du monde. Enjeux d’apprentissage. Quels apports des didactiques ? Colloque des Didactiques de l’Histoire, de la Géographie et de l’Éducation à la Citoyenneté, Nantes, 8-9 décembre 2008 (sur CD-Rom) 

La conviction que l’histoire peut apporter un supplément d’intelligibilité à la compréhension du présent semble faire l’objet d’un très large consensus, tant parmi les historiens que dans le monde éducatif voire la société en général.

Dès 1946, L. Halphen affirmait que,  « dans la mesure où l’histoire parvient à restituer le passé, elle nous donne la clé du présent et nous permet ainsi d’envisager l’avenir en connaissance de cause. Sans son recours, le monde où nous vivons serait une énigme. La société qui nous entoure (…) [est] le fruit des siècles qui nous ont précédés ; les faits auxquels nous sommes mêlés en sont la résultante »[1]. L’examen de quelques manuels de critique historique de référence, en Communauté française de Belgique, confirme cette position qui paraît devenue classique. Ainsi, pour P. Salmon, « [l’histoire manifeste un] besoin profond de l’humanité puisque nécessaire à la compréhension du présent »[2]. Son point de vue semble partagé par Ph. Godding, lequel convoque H.-I. Marrou : « La connaissance du passé éclaire notre connaissance du présent. Ce que nous sommes, notre manière de vivre, de penser, de croire, ce qui nous entoure, nos institutions, notre droit, tout cela n’est pas né avec nous. Nous en sommes redevables pour une bonne partie à ceux qui nous ont précédé. En étudiant le passé, nous prenons conscience de cette évolution. Nous en arrivons ainsi à mieux nous connaître “tels que nous sommes devenus” »[3]. L.-E. Halkin va plus loin encore, n’hésitant pas à répondre à la question « A quoi sert l’histoire ? » par une proposition audacieuse : «  Peindre un avenir probable »[4].

Si le projet de conjuguer la découverte du passé à la compréhension du présent semble donc recueillir un large consensus, chez les historiens, il faut néanmoins constater que, s’agissant de définir quel est l’objet d’étude de l’historien, les positions convergent aussi, mais dans une toute autre direction. Ainsi, les auteurs cités précédemment s’accordent pour affirmer que l’objet de la discipline « historienne » est  « les faits du passé »[5], « le passé des hommes (…) et leurs actions de portée sociale »[6], «  [le] passé vécu par les hommes en société »[7] ou « la connaissance du passé humain »[8]. Cette position reflète-t-elle celle de la majorité de la profession ? Sans doute, faut-il souligner le développement, depuis quelques décennies, de « l’ histoire immédiate » ou de « l’histoire du temps présent ». Mais, les travaux d’historiens qui prennent pour objet le présent demeurent, nous semble-t-il, très rares : en général, ces travaux portent d’abord et avant tout sur la vie des hommes dans le passé. Au regard de la question qui nous occupe pour l’heure, à savoir la possibilité de concevoir un projet éducatif qui mettrait l‘histoire au service de la compréhension du présent, cet état de fait pose la question de la formation des enseignants d’histoire. La discipline « historienne » ne leur est en effet pas ou peu enseignée comme porteuse de réponses à des questions sur le présent. Plus encore, l’affirmation communément admise selon laquelle l’histoire sert à « expliquer » le présent ou le passé à « comprendre » le monde actuel, n’a guère fait l’objet, à notre connaissance, de beaucoup d’investigations. Quelle est en effet la teneur de l’ « explication » que la recherche « historienne » peut apporter ? à quel mode de « compréhension » du présent permet-elle d’accéder ? Quelle intelligibilité particulière le regard « historien » apporte-t-il sur le monde contemporain ?

Faute de réponse à ces questions fondamentales, il nous paraît bien inconfortable de recommander à des enseignants, dont la formation initiale ne les a guère familiarisé à « conjuguer passé et présent », de mettre en œuvre des démarches d’apprentissage de l’histoire fondée sur l’analyse d’enjeux contemporains. Et bien difficile aussi, aux concepteurs de manuels scolaires, de proposer aux enseignants des pistes concrètes pour marier présent et passé. Aussi, il nous a semblé indispensable, dans le cadre des collectionsConstruire l’Histoire[9] et FuturHist[10] dont nous avons assuré la co-direction, et en parallèle à l’identification des Enjeux qui y sont proposés aux enseignants, d’élaborer, à titre exploratoire, une proposition de typologie des différents modes de conjugaison du présent et du passé qu’il serait possible de mettre en œuvre, en classe d’histoire. Au-delà du travail éditorial que cette typologie a permis, elle nous semble en mesure d’aider les enseignants à penser, au plan épistémologique et didactique, les différentes manières d’articuler passé et présent.

Les Enjeux proposés dans les différentes collections de manuels dont nous avons assuré ou assurons la direction ont donc été choisis en fonction du mode de rapport passé-présent qu’ils permettent d’activer, selon la typologie suivante.

 

Conjuguer présent et passé : proposition de typologie
Genèse Les problèmes/ réalités que les hommes d’aujourd’hui doivent affronter sont le résultat d’une évolution qui a commencé hier. Cerner cette genèse permet de mieux comprendre la teneur de ces problèmes ou réalités ? …
Expériences humaines Les (des) hommes du passé ont dû affronter des questions / réalités proches de celles des hommes d’aujourd’hui. Comprendre quelles ont été leurs réponses nous aide à trouver les nôtres ? …
Ruptures, irruption du neuf Des habitudes acquises, des modèles établis hier s’effritentet cet effritement est source d’interrogation / tensions. Dans le présent émergent des éléments neufs qui heurtent, remettent en question des habitudes, des modèles acquis. Peser le poids ces habitudes ou de ces modèles permet de comprendre les raisons de l’acuité de la situation présente ? …
Résurgence Le présent est le théâtre d’une résurgence du passé. Comprendre le passé qui resurgit et le remettre dans son contexte permet de mieux apprécier la nouveauté du présent ?…
Permanences Le passé vit toujours dans le présent : nous continuons à vivre du passé, d’évidences, d’habitudes, de modèles nés hier et toujours présents. En prendre conscience permet de mieux situer le présent et d’où nous venons ?…
Altérité Le passé révèle des manières de faire et de penser radicalement différentes de celles qui prévalent aujourd’hui et cette « étrangeté » du passé est source d’étonnement. La comprendre permet de mieux comprendre nos manières de faire et de penser ?…

Cette première esquisse mériterait, à coup sûr, d’être approfondie, par exemple sur base de l’analyse d’un corpus étendu de travaux « historiens » et/ou de séquences d’apprentissage qui conjuguent l’étude du passé et la compréhension du présent. Elle offre toutefois, nous semble-t-il, quelques éléments qui permettent de préciser la teneur et les différentes modalités de l’ « explication » que le recours à l’histoire est censé apporter au présent ou de l’intelligibilité proprement historienne.  Deux axes se dégagent en effet :

–        le premier mode de conjugaison mis en évidence dans ce tableau conduit à situer le présent – ou le passé – au point d’intersection de multiples facteurs, au point de convergence de diverses tendances, mouvements, événements… : c’est la dimension génétique de l’explication « historienne ».

–        les autres modes de conjugaison ont en commun de poser, à propos du présent et/ou du passé, un double regard : celui du « même » et, surtout, de l’ « autre ». Il ouvre à une deuxième forme d’intelligibilité proprement « historienne » : par le repérage des convergences et des divergences, des ressemblances et des différences entre telle et telle situation du passé et/ou du présent, elle permet de repérer les éléments qui relèvent de l’ « identique » et de l’ « étrange », du « même » et de « l’autre ». Et surtout, de l’ « étrange », de « l’autre » ou de la « différence » pour reprendre l’expression de Paul Veyne qui fait de « l’inventaire des différences »[11] une des dimensions propres au regard de l’historien.

Repérables dans bien des travaux d’historiens, ces deux formes d’intelligibilité nous paraissent riches de bien des potentialités en terme d’apprentissage. Elles nous semblent en mesure de développer, chez l’apprenant, à la fois le sens du temps et le sens des nuances ou de la complexité.

–        Trop souvent dévoyée dans une simple perspective compilatoire ou encyclopédique, la maîtrise de la chronologie relève en effet, d’abord et avant tout de la compréhension des effets du temps dans le devenir des hommes. Si elle passe souvent par le recours à un certain nombre de « cadres », elle ne se mesure pas par leur restitution mais par la capacité de l’élève à repérer, au cœur de tel ou tel phénomène du passé et jusque dans le présent, les mouvements du temps : temps long et temps court, continuités et discontinuités, évolutions et révolutions…

–        La mise en évidence de l’irréductible étrangeté du passé nous paraît aussi constituer un moyen privilégié pour développer chez l’élève le sens des nuances ou de la complexité. Même quand il resurgit, même quand il manifeste la permanence des besoins de l’être humain, le passé est en effet toujours « autre ».

En conséquence, il nous paraît que, loin de détourner l’enseignement de l’histoire de ces missions fondamentales, le projet de conjuguer passé et présent constitue un moyen d’initier les élèves à deux dimensions essentielles de la pensée « historienne ». La pertinence de ce projet invite donc à en apprécier les conséquences.

Conjuguer passé et présent : quelles implications ?

S’il nous paraît donc indispensable de fonder davantage, au plan épistémologique, l’affirmation consensuelle selon laquelle le passé explique le présent, il nous semble également urgent de  prendre conscience des implications de ce projet. Elles débordent, de loin la question précise des modes de conjugaison du passé et du présent et touchent à la fois à la didactique mise en œuvre en classe et aux contenus à enseigner.

Renouveler la didactique de l’histoire : pour une « didactique de l’enquête »

à moins que l’on ne confine l’étude du présent à un bref moment d’ « actualisation », qui sert tantôt d’accroche, tantôt de prolongement, ordonner l’apprentissage de l’histoire, en partie ou en tout, à la compréhension du présent conduit, immanquablement à donner un tour « problématisant » à l’apprentissage de l’histoire. Pareille optique nous paraît hautement recommandable, tant au plan épistémologique qu’au regard des théories contemporaines de l’apprentissage.

–        Il faut rappeler en effet que le travail de l’historien ne consiste pas à décrire la vie des hommes du passé : «  il pose à ce passé des questions sélectives »[12]. Organisée dans une problématique, ces questions déterminent l’objet de son étude : celui-ci « n’est jamais la totalité de tous les phénomènes observables en un temps et un lieu donnés, mais toujours certains aspects seulement qui en sont choisis ; selon la question que nous posons, la même situation spatio-temporelle peut contenir un certain nombre d’objets différents d’étude »[13]. La question détermine aussi les documents ; c’est elle qui institue les témoignages en documents[14]. « C’est l’historien qui, en fonction de sa problématique et de ses hypothèses, décide de donner le statut de document à tel ou tel objet »[15]. Ce questionnement nous paraît même indispensable voire inévitable : « s’il faisait défaut, l’historien serait désemparé, ne sachant que chercher ni où. Il arrive que le questionnement soit vague au départ, mais, s’il ne se précise pas, la recherche avorte. L’histoire n’est pas une pêche au filet ; l’historien ne lance pas son chalut au hasard, pour voir s’il prendra des poissons, et lesquels. On ne trouve jamais la réponse à des questions qu’on ne s’est pas posées… »[16].

–        Cette approche problématisante nous semble également rejoindre les accents essentiels des théories socio-constructivistes qui font autorité aujourd’hui. Elles convergent en effet pour affirmer que l’apprentissage suppose une forme de hiatus, un déséquilibre entre les connaissances préacquises ou les conceptions de l’élève et les informations nouvelles qu’il découvre.

La construction de séquences d’apprentissage qui amènent les élèves à mener l’enquête au départ d’un objet ou d’une problématique de recherche constituent donc, à nos yeux, une voie particulièrement prometteuse. Le choix de fonder l’apprentissage du passé dans la compréhension du présent y conduit : elle amènera la classe à explorer une problématique qui vise à identifier dans le passé des éléments d’intelligibilité du présent. Pareil projet est toutefois lourd de nombreuses implications didactiques, très concrètes et très fondamentales. Leur prise en compte nous a conduit à dessiner les premiers linéaments d’une « didactique de l’enquête »[17] qui, en renouvelant la didactique de l’histoire, entend outiller les enseignants dans la voie que le projet d’apprendre l’histoire en prise sur les enjeux du monde ouvre aussi, inévitablement.

Une des conséquences les plus fondamentales d’une approche problématisante de l’histoire, qu’elle soit ancrée dans le présent ou dans le passé, est de conduire l’enseignant à privilégier un mode de mise à disposition des connaissances de type plus « fonctionnel » que « rationnel »[18]. Autant les modes d’organisation rationnelle des connaissances[19]nous semble devoir prévaloir au moment où le chercheur… ou l’élève fait le point sur ses découvertes ou ses apprentissages, autant l’ordre dans lequel les connaissances sont construites doit se faire dans une logique plus « fonctionnelle ». Celle-ci peut amener les élèves à arpenter la chronologie en sens divers tantôt dans une optique « rétrospective ou rétrogressive », tantôt dans une optique « mosaïque »[20] ou encore à naviguer d’un espace à l’autre, à démêler des dimensions entremêlées, à trier entre les signes et les causes… Pareilles démarches nous semblent extrêmement neuves en classe d’histoire. L’observation, malheureusement très impressionniste et non-empirique, des pratiques enseignantes nous a en effet donné à penser que les approches rationnelles dominent largement en classe d’histoire. Cette situation s’explique sans doute par les conceptions des enseignants mais aussi par le mode de présentation des connaissances qui prévaut dans l’écrasante  majorité des manuels scolaires d’histoire. Organisés autour d’un récit de connaissances, souvent à (re)découvrir, ils privilégient le mode rationnel et conduisent les enseignants, par une sorte de décalque, c’est notre hypothèse, à transposer en classe cet ordre de présentation des savoirs et à en faire l’ordre de découverte des connaissances. Or, ce mode rationnel de mise à disposition des savoirs est grevé, à nos yeux, d’une hypothèque ; il prive, en outre les élèves de deux opportunités en terme de formation.

En effet, l’approche rationnelle tue en dans l’œuf la démarche de recherche : elle se réduit à la redécouverte d’une réponse pré-structurée. Elle prive donc les apprenants de la possibilité d’identifier, d’articuler, de hiérarchiser… les éléments de réponse glanés au fil de l’enquête. Or, ce travail de structuration nous paraît constituer un moment-clé dans le processus de construction par l’apprenant de ses connaissances. Par contre, les modes fonctionnels, en laissant ouvert l’espace de structuration laissent davantage ouvert l’espace d’apprentissage. Ils permettent en outre de rendre à l’apprentissage de la chronologie toute son importance. Souvent réduite à un donné pré-établi, à transmettre ou à découvrir du plus lointain au plus proche, la chronologie devrait en effet constituer plutôt un outil de structuration mobiliséex-post par l’élève et la classe pour mettre de l’ordre et construire leurs connaissances. Il n’en est d’ailleurs pas autrement dans le chef de l’historien : la chronologie est de l’ordre du construit, et non du donné. En conséquence, plutôt que d’hypothéquer la possibilité pour l’élève de se doter de « cadres chronologiques », la mise en œuvre de démarches d’enquête de type « rétrospectives » ou « mosaïques » nous paraît le gage d’un apprentissage du temps – et donc de l’histoire…– peut-être plus efficace.

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La mise en problématique des savoirs à apprendre, la promotion de démarches d’enquête dans des dynamiques fonctionnelles et l’ouverture, en conséquence, d’un espace de structuration qui permette à l’élève et à la classe de « négocier un sens commun » et de faire de la chronologie un « outil pour comprendre » constituent les temps forts de la « didactique de l’enquête » que nous avons élaborée et que les collections Construire l’Histoire etFuturHist tentent d’opérationnaliser[21]. Elle permet de combiner les modes d’enseignement-apprentissage de l’histoire désormais traditionnels que sont l’ « exposé-récit » et  le « discours-découverte » avec un troisième mode d’enseignement que nous avons qualifié d’ « apprentissage-recherche »[22] et qui nous paraît plus à jour tant au plan psycho-pédagogique qu’épistémologique.

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Last but not least, il nous paraît enfin que le projet d’enseigner l’histoire dans la perspective de comprendre le présent devrait amener chercheurs et acteurs de terrain à ouvrir la question fondamentale «  du bien-fondé des contenus de notre enseignement et envisager leur refonte pour les adapter aux besoins de la société d’aujourd’hui » [23]. L’observateur attentif ne peut en effet qu’être frappé par le hiatus qui existe aujourd’hui entre les finalités affichées dans les programmes d’enseignement de l’histoire – comprendre le présent – et les contenus que l’on demande à l’enseignant  de faire apprendre. Le constat vaut également en ce qui concerne les manuels d’histoire, même les plus récents dont ceux de la collectionConstruire l’Histoire et FuturHist dont nous assurons la co-direction.  Même si la problématique des rapports présent-passé a fait l’objet d’une attention particulière et renouvelée dans la conception de ces collections, celles-ci charrient quantité de contenus d’apprentissage qu’il est difficile d’articuler à des réalités contemporaines. En cause, l’état des programmes d’enseignement, des représentations et des pratiques des professeurs d’histoire et le souci de ne pas les heurter alors qu’ils ont déjà à s’adapter  d’une part aux exigences  propres à « approche par compétences » qui est le cadre de référence de l’ensemble des programmes d’enseignement en Communauté française de Belgique depuis 2001 et d’autre part, pour ceux qui ont fait le choix de cette collection, à une didactique de l’histoire fondamentalement renouvelée. En cause aussi, le souci de ne pas anticiper de manière trop intrépide un débat dont la complexité nous paraît redoutable. En effet, le choix d’ordonner la compréhension du passé à celle du présent est-il exclusif d’autres ? Comprendre le présent ne suppose-t-il pas aussi être à même de se situer dans le monde contemporain, prendre conscience de son inscription dans une culture, une histoire… ? Dans quelle mesure la connaissance de nos « racines » et/ou de celles des « autres », notamment celles des populations allochtones présentes dans nos écoles, ne légitime-t-elle pas l’apprentissage de savoirs qui ne sont pas directement articulés à la compréhension de problématiques contemporaines ? Le « tout au présent » est-il forcément significatif pour les élèves ? Et s’agissant du présent, quelles problématiques l’histoire doit-elle ou peut-elle éclairer ? Comment intégrer les interpellations et les propositions de la World History [24] ? Comment les mettre en œuvre et avec quels moyens d’enseignement ? Avec d’autres, ces questions montrent l’ampleur du débat et de la tâche.

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A moins que l’on ne se résolve à réduire au rang de « gadget » l’ambition de faire des « Enjeux du monde » des « Enjeux d’apprentissage », le projet de conjuguer l’apprentissage de l’histoire et la compréhension du présent nous semble donc conduire irrémédiablement à un renouvellement tant de la didactique de l’histoire que des contenus à enseigner. L’occasion nous paraît devoir être saisie : elle offre la possibilité de renforcer la raison sociale de l’enseignement de l’histoire et de rapprocher celui-ci des conceptions contemporaines relatives à l’apprentissage et à l’épistémologie de l’histoire.



[1] HALPHEN, Louis, Introduction à l’histoire, Paris, PUF, 1946.

[2] SALMON, Pierre, Histoire et critique, Bruxelles, ULB, 1987.

[3] GODDING, Philippe, Introduction à la critique historique, Louvain-la-Neuve, UCL, 1988. L’auteur H.-I. MARROU, Henri-Irénée, De la connaissance historique, Paris, Seuil, 1954.

[4] HALKIN, Léon-Ernest, Initiation à la critique historique, s.l., Fleury, 1982.

[5] HALPHEN, Louis, Introduction à l’histoire, Paris, PUF, 1946.

[6] HALKIN, Léon-Ernest, Initiation à la critique historique, s.l., Fleury, 1982.

[7] SALMON, Pierre, Histoire et critique, Bruxelles, ULB, 1987.

[8] GODDING, Philippe, Introduction à la critique historique, Louvain-la-Neuve, UCL, 1988.

[9] J.-L. Jadoulle et J. Georges (dir.), Construire l’Histoire, Namur, Didier Hatier, 2005-2008, 4 t. Chaque tome comprend un manuel et un dossier d’apprentissage pour l’élève ainsi qu’un guide pour l’enseignant ; ce dernier est complété par un CD-Rom.

[10] H. Hasquin et J.-L. Jadoulle (dir.), FuturHist, Namur, Didier Hatier, 2007-2012, 4 t. Chaque tome comprend un manuel et un guide pour l’enseignant, le tout complété par un CD-Rom pour les deux premiers volumes.

[11] P. Veyne, L’inventaire des différences, Paris, Seuil, 1976. Voir aussi Id., Comment on écrit l’histoire suivi de « Foucault révolutionne l’histoire », Coll. « Points Histoire », Paris, Seuil, 1971-1978, p. 87-96.

[12] F. Furet, L’atelier de l’histoire, Paris, Flammarion, 1982, p. 76.

[13] P. Veyne, Comment on écrit l’histoire suivi de “ Foucault révolutionne l’histoire ”, (Coll. Points-Histoire), Paris, Seuil, 1971-1978, p. 37. Cfr aussi : “  c’est la question qui construit l’objet historique, en procédant à un découpage original dans l’univers sans limites des faits et des documents possibles. Du point de vue épistémologique, elle remplit une fonction fondamentale, au sens étymologique du terme, puisque c’est elle qui fonde, qui constitue l’objet historique ” (A. Prost, Douze leçons sur l’histoire, [Coll. Points-Histoire], Paris, Seuil, 1996, p. 79).

[14]  P. Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, (Coll. L’ordre philosophique), Paris, Seuil, 2000, p. 225-226.

[15] J. Leduc, V. Marcos-Alavarez & J. Le Pellec, Construire l’histoire, (Coll. Didactiques), s.l., Bertrand Lacoste & CRDP Midi-Pyrénées, 1994, p. 42. Sur cette étape essentielle de la démarche historienne qu’est la préoblématisation, cfr ibid., p. 99-102.

[16] A. Prost, Douze leçons sur l’histoire…, p. 75.

[17] Cfr J.-L. Jadoulle, Didactique de l’histoire. Eléments pour une « didactique de l’enquête », à paraître.

[18] Cfr supra note 6.

[19] Pour rappel, en classe d’histoire, ces modes d’organisation dit « rationnel » sont, le plus souvent, de quatre ordres : chronologique, géographique, thématique ou logique.

[20] Bien connue, la démarche « rétrospective » ou « rétrogressive » consiste à remonter le cours du temps, du présent vers le passé. Ainsi, si, prenant appui sur l’aujourd’hui et découvrant certains aspects du programme du PS (parti socialiste) belge, l’enseignant amène mes élèves à s’interroger sur l’origine de ce parti, il pourra les conduire d’abord dans les deux dernières décennies du XIXe siècle, période durant laquelle naît l’ancêtre du PS actuel, le Parti Ouvrier Belge (POB, 1885). Ensuite, sur base des références au marxisme bien présentes chez plusieurs acteurs de ce POB, l’enseignant pourra remonter le fil du temps et faire découvrir à ses élèves la pensée de Marx, les critiques que celui-ci adresse aux socialistes « utopiques »,conduisant la classe à découvrir, au besoin le socialisme pré-marxiste. Quant à l’approche « mosaïque », elle consiste à découvrir des portions de temps discontinues. Ainsi, si la question de recherche porte sur la Révolution française, une ou des révolutions ?,  la classe pourra être conduite à découvrir successivement, la situation qui prévaut entre 1789 et 1791, puis sous la Terreur, le constat de l’existence de deux « révolutions » consécutives les conduisant ensuite à découvrir la période intermédiaire.

[21] Sur les soubassements didactiques de ces collections, cfr J.-L. Jadoulle, “Construire l’Histoire” : un manuel scolaire pour demain ?, dans J.-L. Jadoulle (dir.), Les manuels scolaires d’histoire. Passé, present, avenir, Louvain-la-Neuve, Unité de didactique et de communication en histoire de l’UCL, 2005, p. 167-212 et J.-L. Jadoulle, Construire l’Histoire : un manuel d’histoire pour demain. Fondements didactiques et épistémologiques,dans M. Lebrun (éd.), Le manuel scolaire d’ici et d’ailleurs, d’hier à demain, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2006 (CD-Rom).

[22] Sur ces trois modes d’enseignement-apprentissage de l’histoire, cfr J.-L. Jadoulle, Vers une didactique «constructiviste» ?, dans J.-L. Jadoulle et P. de Theux (s. dir. de), Enseigner Charlemagne, (Coll. Apprendre l’histoire ?, n°2), Louvain-la-Neuve – Bruxelles, Unité de didactique de l’histoire – Média Animation, 1998, pp. 73-85 ; J.-L. Jadoulle , Du récit du professeur au récit construit par la classe ? Regard sur l’évolution de l’histoire enseignée à l’école secondaire en Belgique francophone, dans Ph. Georges (s. dir. de), Malmedy. Art & Histoire. 20ème aniversaire, Liège-Malmedy, 2009, p. 197-225 et J.-L. Jadoulle, Teaching and Didactics of History in the French and German-speaking Communities of Belgium, dans E. EHERDMANN et W. HASBERG (éds), Facing Mapping Bridging Diversity. Foundation of a European Discourse on History Education, Schwalbach, Wochenschau Wissenschaft, 2011, p. 67-90.

[23] Ch. PATART, M. DECOSTER, P. ORBAN (e.a.), Le Moyen Age et les Temps Modernes. A, De l’an mil aux réformes. Guide didactique, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1993.

[24] T. CHENNTOUF, La World History et son enseignement, dans Le cartable de Clio.Revue romande et tessinoise sur les didactiques de l’histoire, 2005, n°5, p. 20-27.

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