Histoire & Enseignement

l'Association Belge des Professeurs d’Histoire d’Expression Française

Nous profitons de la plateforme d’échange pédagogique Histoire et Enseignement pour partager notre réflexion découlant d’une rencontre avec les auteurs d’Enseigner l’histoire aux adolescents. Démarches socio-constructivistes, paru aux éditions de Boeck en 2010. Michel Staszewski est professeur dans l’enseignement secondaire depuis 37 ans, collaborateur scientifique du service des sciences de l’éducation de l’Université Libre de Bruxelles, collaborateur pédagogique d’Anne Morelli pour la formation des futurs agrégés de l’enseignement secondaire et formateur en didactique des sciences humaines pour l’Institut de la Formation en cours de Carrière. Bernard Rey est pour sa part professeur honoraire à l’Université Libre de Bruxelles, philosophe et professeur de sciences de l’éducation. Les deux auteurs proposent de par leurs expériences professionnelles voulues complémentaires, une représentation globale du monde de l’enseignement de l’histoire.

L’ouvrage propose de peindre l’état d’un ensemble de pratiques didactiques socio-constructivistes. Plus qu’un ouvrage théorique, les deux auteurs proposent des recommandations de démarches didactiques ou de conduite de cours.
La particularité de ce livre est bien qu’il s’agisse d’une collaboration grâce à laquelle le partage d’une expérience de terrain, celle de Michel Staszewski, est mise en dialogue avec le discours d’un théoricien des sciences de l’éducation, celui de Bernard Rey. Plus qu’une vision du monde pédagogique séparant les experts d’une part et des professeurs appliquant des recettes de cours d’autre part, les deux auteurs défendent l’idée d’un enseignement de l’histoire construit à tout moment, non fixé dans le temps et répondant à des questions qui sont d’abord en accord avec des questions problèmes des êtres en apprentissage. C’est d’ailleurs leur conception de l’enseignant ; il ne s’agit pas d’un professionnel spécialisé qui applique l’une ou l’autre technique de manière répétitive. Non, il s’agit plutôt de quelqu’un capable de prendre en compte les connaissances des membres d’un petit monde, d’une petite société au sein de laquelle l’enseignant a à proposer de manière appropriée des situations historiques qui donnent aux étudiants une occasion de construire ensemble une nouvelle compréhension du monde.
L’enseignant fort occupé dans sa pratique de terrain serait peut-être enclin à voir dans cet ouvrage une nouvelle forme de manuel qui propose des documents dits nouveaux permettant d’enseigner les faits historiques autrement. La particularité de cet ouvrage ne réside pas là. Les deux auteurs ne croient pas qu’il faille proposer aux étudiants des documents grâce auxquels jaillirait la conscience historique. Tout du contraire, Michel Staszewski et Bernard Rey nous expliquent comment l’enseignant a la possibilité d’utiliser le matériel qui lui est disponible dans la majorité des écoles belges afin d’inciter une problèmatisation fondamentale dans la pensée de ses étudiants. Selon eux, il n’y a apprentissage que quand un problème est rendu apparent aux yeux des étudiants avec ou sans l’aide du professeur. Les documents ne sont que des occasions pour mettre en débat des interrogations partagées.
Car l’objectif général de cette méthode est de faire passer les apprenants d’un statut de spectateur ou de consommateur culturel à un statut citoyen conscient du rôle d’acteur qu’il peut jouer dans la société dans laquelle il vit. Il s’agit de débattre de concepts que les acteurs historiques ont utilisé pour penser nos sociétés. Si ces concepts ont eu une utilité dans le passé, pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui? Bernard Rey et Michel Staszewski prennent le parti d’une éducation permettant au citoyen présent en chacun de nous de s’exprimer dans le groupe-classe. Non pas dans le passé des faits étudiés mais ici et maintenant. De manière à ce que la reflexion de chacun soit reconstruite grâce aux autres et permette un nouveau positionnement dans le temps et dans l’espace.

La dernière édition du livre parue en 2010 a été précédée d’une première parution en 2004. Le livre a rencontré une demande auprès du public. Certains praticiens comme Michel Staszewski considèrent cependant que l’intégration efficace de la didactique socio-constructiviste souffre encore d’un trop rare débat sur les vraies questions de son application à l’Ecole. Selon les auteurs, le manque de lieu de réflexion sur la didactique de l’histoire limite la réflexion sur cette discipline. Il est intéressant de noter que des disciplines considérées comme moins idéologiques comme les mathématiques et les sciences naturelles ont quand à elles moins de mal à se voir débatues.

Quentin de Becker (23 septembre 2012)

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