Histoire & Enseignement

l'Association Belge des Professeurs d’Histoire d’Expression Française

RADIOSCOPIE DE LA SITUATION DE L’ENSEIGNEMENT

DE L’HISTOIRE AU SECONDAIRE EN RDC

Introduction

Comme la plupart des pays africains qui s’engagent dans des projets de réforme scolaire, la République démocratique du Congo (RDC) s’est lancée, depuis 2005, dans un vaste projet de refonte de ses programmes avec l’ambition de répondre aux impératifs de son développement économique et social. Sortant d’une grave crise politique dont le point d’orgue a été la guerre de 1996 à 2004, ce pays s’est donné pour ambition de rattraper son retard économique et social. L’école semble être le levier de cette politique. Dans cette perspective, il nous a paru important de jeter un regard critique sur l’enseignement de notre discipline, l’histoire, au niveau secondaire 1 et 2. Quand et comment fut introduit le cours d’histoire dans le système éducatif congolais ? Le contenu de l’histoire scolaire a-t-il pu surmonter l’héritage colonial au lendemain de l’indépendance du pays ? Quel est le contenu de l’histoire enseignée aujourd’hui en RDC? Quelle est actuellement la réalité de la classe d’histoire au secondaire dans ce pays? Que pouvons-nous suggérer quant à l’enseignement de cette discipline d’éveil dans cet État meurtri par des guerres incessantes ?

Ainsi, pour mieux appréhender les problèmes didactiques du cours d’histoire au secondaire en RDC, une observation de la classe d’histoire s’est avérée indispensable. Cette observation de classe suivie d’entretiens précédés d’un questionnaire aux élèves et aux enseignants d’histoire, permet de repérer les pratiques de l’enseignement de l’histoire qui correspondent aux choix des objectifs, finalités et démarches méthodologiques du nouveau programme de 2005. Il sera aussi question de la manière dont les enseignants et les élèves réagissent par rapport à ce nouveau programme ; parce que pour « décoloniser » l’enseignement de l’histoire, il ne suffit pas seulement de «décoloniser» le contenu des matières mais, il faut aussi et surtout « décoloniser » les pratiques d’enseignement.

1. Introduction de la branche d’Histoire dans l’enseignement congolais

Les données sur l’enseignement de l’histoire en RDC remontent à l’époque de l’État Indépendant du Congo (EIC), à la naissance des colonies scolaires. En effet, l’histoire, comme branche d’enseignement avait été introduite dans les programmes de ces premiers établissements scolaires vers l’année 1893 (Kita 1982 : 135-136).

À cette époque, il n’existait pas un programme uniforme d’histoire pour toutes les colonies scolaires. Chaque colonie l’avait conçu à sa manière. Par exemple, en dehors des théories, des exercices militaires, du travail manuel et du lavage et soin de la maison, les cours suivis en 1893 par la colonie scolaire de Nouvelle Anvers (Makanza) étaient : Religion (prières, commandements de Dieu et de l’Église, principaux traits de l’histoire sainte…), Lecture(connaissance des lettres de l’alphabet, épellation, lecture des mots en langue locale, connaissance de la langue commerciale), Écriture (calligraphie des minuscules et quelques majuscules, orthographe de mots faciles, transcription), Calcul (connaissance des chiffres, numération, exercices sur les quatre opérations fondamentales).

Dans ce programme, l’enseignement de l’histoire était donc confondu avec celui de la religion et limité à l’histoire sainte : l’histoire n’était pas encore une branche d’enseignement proprement dite.

En 1906, l’État Indépendant du Congo crée à Boma trois écoles professionnelles et une école de candidats commis (à la suite d’impératifs économiques et administratifs) dont le programme était légèrement plus développé que celui des colonies scolaires. À côté de l’orthographe (lecture et rédaction en langue française), des quatre opérations fondamentales (arithmétique et problèmes), du système métrique, d’éléments de comptabilité, des notions d’hygiène, il y avait des notions de géographie et d’histoire de l’EIC. Les notions d’histoire étaient centrées sur l’apologie de l’œuvre salvatrice du roi Léopold II en Afrique centrale.

Bien que l’histoire ait ainsi été introduite comme branche d’enseignement, il n’existait pas un programme et chaque établissement l’avait élaboré comme il l’entendait. Ainsi par exemple M. Hautefeld (cité par Kita : 159, Directeur de l’école de Stanleyville (Kisangani) avait communiqué le programme suivi à l’école primaire de cette ville, dans lequel en histoire, on étudiait les grands explorateurs et leurs œuvres, les principaux faits du règne des rois Léopold II et Albert I concernant le Congo et les étapes de la colonisation. En 1912, à l’école des candidats commis de Boma, le programme détaillé en histoire portait sur le Congo: la «découverte» de l’embouchure du fleuve en 1842, la Conférence Géographique de Bruxelles, l’Association Internationale du Congo, la Conférence de Berlin, l’exploration du Congo par Stanley, le Comité d’Etudes du Haut Congo, la proclamation de l’EIC, les progrès de l’occupation 1885-1890, la Traite des Noirs, la Conférence antiesclavagiste, les Arabes du Haut Congo, la Campagne du Maniema, l’exploration du Katanga, l’expédition vers le Nil, les missions religieuses, l’État Indépendant du Congo et la Belgique ainsi que la reprise du Congo par le gouvernement belge en 1908.

La systématisation de l’enseignement, dès l’annexion du Congo à la Belgique, aboutira à l’organisation de l’enseignement libre au Congo Belge puis au Ruanda-Urundi, contenu dans la « brochure jaune », qui prévoyait trois types d’écoles : écoles primaires du 1er degré, écoles du 2edegré et écoles spéciales. Dans les écoles du 1er et du 2degrés, l’enseignement de l’histoire n’était pas dispensé. Dans les écoles spéciales, le cours d’histoire comptait une heure par semaine, au même titre que les cours de géographie, causeries, calligraphie, gymnastique et musique, alors que le cours de travaux manuels à l’atelier occupait 5 heures. Tous les autres cours étaient de 2, 3 ou 4 heures par semaine.

À la veille de l’indépendance, l’histoire, branche de l’enseignement au Congo, fut introduite à tous les niveaux de formation de l’enfant congolais. Cependant, les objectifs lui assignés étaient différents d’une formation à une autre et d’un niveau à l’autre.

2. Les programmes du cours d’histoire au Congo indépendant

Notre analyse portera principalement sur les programmes du cours d’histoire allant de 1982 à 2005. Rappelons en passant que les programmes précédents, ceux de 1948 à 1982, furent centrés sur l’Europe Occidentale et furent l’objet de diverses critiques (lire à ce propos les écrits de Mgr Kajiga 1974, Tshund’Olela 1974 et 1982, Yogolela 1977, Kabasele 1999 et Ikombe 2004).

2.1. L’ancien programme (de 1982-2005) : comme nous venons de le souligner, avait un programme d’histoire au secondaire resté pendant plusieurs décennies obsolète, dépassé, nettement inadapté sur tous les plans et surtout européocentrique. Car, même si l’histoire a fini par être acceptée comme discipline au niveau supérieur et universitaire après l’indépendance du pays, son programme d’enseignement est resté statique au niveau secondaire.

En réalité, le programme du cours d’histoire au secondaire tel que imaginé par le Ministère de l’Éducation Nationale en 1982, correspondait plutôt à la conception traditionnelle du « Programme » telle que définie par Hainaut (1983). Ainsi, on y trouvait seulement une liste détaillée de la matière à enseigner, les intentions éducatives et des recommandations méthodologiques.

En effet, malgré les différentes réformes de cet enseignement en 1962 et 1966, l’ossature des matières de 1982, hormis quelques retouches, était comparable au programme de 1958 (avant l’indépendance). Il convient de rappeler qu’à cette époque (période coloniale), les objectifs assignés à l’enseignement de l’histoire étaient clairement idéologiques, il s’agissait d’amener les colonisateurs à conquérir absolument et totalement les colonisés, afin de réaliser leurs projets impérialistes. L’histoire n’avait qu’un seul but, faire connaître aux jeunes Congolais, l’œuvre des Blancs et leur inspirer de la gratitude pour les bienfaits apportés au pays par les colonisateurs. L’histoire enseignée était donc celle de la Belgique et de ses illustres personnages, et dans une certaine mesure l’épisode des grands explorateurs. L’histoire des autochtones n’était nulle part présente dans les programmes scolaires. Si on évoquait les Arabes, ce n’était que pour indiquer leurs méfaits esclavagistes. L’histoire avait une fonction spéciale : celle de rattacher le colonisé au colonisateur. Tout était fait pour atteindre les objectifs idéologiques précis, clairs et concrets. À ce propos Isidore Ndaywel (1997 : 791) écrit :

« L’histoire du Zaïre avait été en fait considérée comme l’histoire des activités européennes au Zaïre; elle visait à justifier l’entreprise coloniale et entretenait le mythe de la passivité historique des peuples africains, fondé à la fois sur une véritable ignorance et sur la tendance anhistorique…».

À vrai dire, cette période est caractérisée par un souci de retour au programme métropolitain lequel était plein d’ethnocentrisme européen. Ces différentes réformes, déjà citées, ne demeuraient donc qu’une continuation ou une adaptation du système éducatif ancien, c’est-à-dire colonial. Aucune rupture positive n’avait jamais été opérée. Nous avions assisté jusqu’à présent à des tâtonnements, à des essais qui avaient pour la plupart échoué. Concrètement, cela revient à dire que plusieurs décennies après l’accession de notre pays à l’indépendance, l’histoire, de tout temps enjeu politique, était enseignée sans aucune motivation particulière réelle ou empreinte nationale.

Ainsi, sur 269 heures proposées aux élèves du secondaire de la 1e à la 5e années, 208 étaient consacrées à l’Europe (principalement Occidentale), soit 77 % ; 36 traitaient de l’Afrique soit 13 % tandis que 25 heures abordaient d’autres continents, soit 9 %. Le Congo apparaissait timidement en 2e, 5e et 6e dans sa partie contemporaine qui ne met en lumière que les faits politiques. Alors qu’ailleurs l’identité nationale est trop affirmée et qu’il importe d’y insérer plus d’ouverture et de place à l’histoire du monde, ici, dans le cours d’histoire, c’était le contraire!

À vrai dire, globalement, pour reprendre Tshund’Olela (2004), cette branche qui constitue, théoriquement, une matière stratégique, et représente un enjeu important à l’école secondaire, échouait pour l’essentiel de la mission qu’elle est censée remplir à ce niveau de la scolarité en RDC. Et ce constat d’échec ici était plus net et plus évident que pour toutes les autres matières.

2.2. Le nouveau programme (à partir de 2005-2006) : depuis l’année scolaire 2005-2006, le Ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel a imposé aux enseignants du secondaire un nouveau programme d’histoire. Ce nouvel outil pédagogique, qui vient « décoloniser » le cours d’histoire, est le fruit d’un travail de longue haleine et d’une concertation entre différents partenaires éducatifs (représentants des professeurs d’histoire des universités, instituts supérieurs et écoles secondaires, des inspecteurs d’histoire…). Il est conçu selon une approche pédagogique basée sur le développement, dès l’école, des compétences et des capacités mobilisant à la fois savoir, savoir-faire et savoir être.

Le nouveau programme « décolonise »-t-il réellement le cours d’histoire au secondaire ? En quoi ses objectifs, finalités et démarches méthodologiques se démarquent-ils de l’ancien programme ou s’adaptent-ils aux nouvelles réalités politiques du pays et aux nouvelles exigences pédagogiques? Pour répondre à ces questions et à tant d’autres, une analyse critique du nouveau programme qui s’avère indispensable ne suffira pas, il faudra également observer les pratiques de classe. Car un programme d’études n’existe vraiment que lorsqu’il est mis en œuvre.

2.2.1. La «décolonisation» du programme 

2.2.1.1. La grille horaire : elle vient de subir une modification substantielle; dans l’ancien programme, le nombre d’heures hebdomadaires du cours d’histoire était très variable en fonction du niveau et de l’option d’études.

Le nouveau programme accorde 2 heures d’histoire par semaine à tous les niveaux de la scolarité et à toutes les sections ou options. Une uniformisation du nombre d’heures qui n’est pas nécessairement acceptée par tous.

2.2.1.2. Le nombre de leçons par classe (par an) est rééquilibré dans le n.p. d’histoire3 : alors que dans l’ancien programme (a.p.), ce nombre de leçons à enseigner sur une année scolaire, allait de 27 (en 3e) à 79 (en 2e) sans véritable justification.

2.2.1.3. Le contenu : le nouveau programme présente en outre une heureuse innovation, c’est l’importance accordée à l’histoire africaine et congolaise. Ce petit tableau peut aider à appréhender cette innovation :

Classe

Leçons sur l’Afrique

dans l’ancien programme

Leçons sur l’Afrique dans

le nouveau programme

1e année

2/56

36/47

2e année

14/79

40/44

3e année

4/27

15/42

4e année

11/61

13/44

5e année

5/46

11/46

6e année

18/29

17/51

Total

54/298

132/274

Auparavant donc, l’histoire africaine et surtout congolaise était sacrifiée au profit de l’histoire occidentale. Dans certaines classes notamment en 1e, 3e et 4e années, aucune leçon sur le Congo n’était enseignée et dans d’autres classes comme en 2e et 5e, on abordait à peine le Congo (un chapitre)! Or, le nouveau programme privilégie l’histoire de l’Afrique et du Congo. Ainsi, après avoir été minimisée, pendant plusieurs décennies, par l’historiographie coloniale et occidentale, l’histoire du Congo et de l’Afrique constitue désormais la matière la plus importante du programme. Cela permet aux élèves de découvrir leur histoire nationale dès le début des études secondaires.

Ce programme se distingue aussi par le classement qu’il fait des matières autour d’idées fondamentales, directrices et synthétiques. Destinés à aider le professeur, ces titres obligeront celui-ci à donner de la cohésion et de la perspective à la matière enseignée, l’inspireront dans le choix et l’interprétation des faits.

Mais en dépit du très réel progrès qu’il marque notamment par sa prépondérance de la matière africaine et congolaise dans les deux premières années du secondaire, le nouveau programme offre prise, par sa structure et son contenu, à certaines critiques.

Par exemple, l’organisation du nouveau programme en termes d’années révèle que les éléments les moins concrets sont étudiés dans les petites classes. En outre, il comporte de nombreux doublons comme les « grandes périodes de l’histoire » en 2 leçons, qui revient curieusement en 3e et 5e années

On pourra également objecter qu’il est illogique de débuter l’étude de l’époque contemporaine, en 5e année, par l’analyse de l’Afrique de 1789 à 1945 avant d’aborder l’Europe à la même période, d’autant plus que l’Afrique à cette époque était à la traîne de l’Europe. À titre illustratif, pour comprendre l’abolition de la Traite négrière à la fin du XIXesiècle ou la participation des pays africains aux deux Guerres mondiales, il faut d’abord interroger l’histoire occidentale ou européenne.

Enfin, en sixième année, la section « Introduction générale à l’histoire » sera abordée en 7 leçons. Cette partie qui constitue une révision (étant déjà étudiée en 1ere, 2e et 3e années) est privilégiée au détriment des autres parties du cours comme la «Critique historique» 3 leçons, le « Monde après 1945 » 4 leçons, les « Grandes civilisations du monde » 2 leçons. Pourtant, ces sections sont très importantes à ce niveau de la scolarité car elles donneraient aux jeunes gens, citoyens de demain, des connaissances pour renforcer leur esprit critique, approfondir les événements les plus proches de nous, maîtriser les divers apports de différentes cultures au développement de l’humanité. Ce qui pourrait jouer d’ailleurs à la connaissance réciproque, au rapprochement, à la tolérance et à la paix dans le monde.

2.2.1.4. Les finalités du cours d’histoire au secondaire : l’étude des finalités assignées à l’enseignement de l’histoire au secondaire retiendra, dans le cadre de cette étude, notre particulière attention, et cela, à plus d’un égard.

Premièrement, dans l’opinion publique de beaucoup de pays (Martineau 1999 : 17-20), le produit exemplaire de l’apprentissage de l’histoire est celui que l’on peut apprécier dans des émissions de télévision, de radio… D’autres personnes attendent que les professeurs d’histoire fassent connaître et apprécier les incontournables points de repère de la grande culture universelle et déplorent l’étroitesse des choix de contenus historiques enseignés et appris. D’autres encore déplorent que la classe d’histoire ne développe pas assez la conscience nationale…

a) Les finalités du cours d’histoire en général : l’enseignement de l’histoire, comme l’ont fait remarquer Rey et Staszewski (2004 :5), ne date pas d’hier. Dès la fin du XVIIIe siècle, à une époque où l’histoire n’était pas encore reconnue comme une science à part entière (elle n’avait pas encore sa place dans les universités), cette discipline était enseignée dans la plupart des écoles d’Europe Occidentale et Centrale. Dans ces pays, jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, alors que l’enseignement de l’histoire restait réservé à une petite élite, les objectifs essentiels des cours d’histoire étaient l’édification morale et le développement de sentiments patriotiques. Ce qui explique en grande partie pourquoi les programmes faisaient la part belle à l’histoire politique et militaire.

Au fil du temps, les objectifs de ce cours se sont diversifiés. On comprendra pourquoi, déjà en 1941, Marc Bloch plaçait en tête de son Apologie pour l’histoire cette question « Papa, explique-moi donc à quoi sert l’histoire ? ». La réponse à cette question est importante parce que c’est là le préliminaire à toute réflexion sérieuse sur la pédagogie de l’histoire. Le « Comment » de l’enseignement, dans notre discipline comme en toute autre, en effet, doit être largement commandé par le « Pourquoi ». Aussi, quelles que soient les ambitions des programmes, l’enseignement de notre discipline ne peut couvrir qu’une partie bien mince de l’immensité de connaissances historiques et surtout, les élèves ne pourront retenir qu’une infime partie de ce que nous aurons enseigné. Dans ces perspectives, il faut, aussi réfléchir sur les buts à atteindre.

De tous temps, l’école a cherché à éduquer la jeunesse au moyen des leçons du passé ; l’histoire a été considérée par les uns comme une galerie de modèles pour la jeunesse, par les autres comme une leçon à tirer des expériences de l’humanité, certains y ont satisfait par l’érudition une curiosité aux dimensions d’une région, d’un pays, d’une nation, ou des civilisations humaines ; d’autres ont voulu subordonner cette recherche à des desseins apologétiques ou politiques…

Garcia, P. et Leduc, J.4 (2003 : 250) parlent également de trois principales finalités de cet enseignement ; il s’agit d’abord d’histoire comme connaissance, puis d’histoire commemémoire et enfin d’histoire comme méthode. Dans la même veine enfin, Pinson, G. (2007 : 17) note : « Les finalités de l’histoire en collège et en lycée restent relativement stables depuis une trentaine d’années. On peut les classer en trois grands domaines: des finalités culturelles et patrimoniales, des finalités civiques et enfin des finalités méthodologiques ».

Il y a donc, comme l’ont bien dit Tshund’Olela et Kasereka (1975), des centaines de raisons d’étudier l’histoire. Il y aurait même surabondance si l’on en juge par une enquête menée au début du siècle passé aux États-Unis, où l’on en distingua plus de deux cents parmi lesquelles les auteurs précités en ont épinglé en vrac les suivantes : promouvoir les idéaux du patriotisme, de conduite et de service social; établir des relations avec les événements courants ; entraîner à saisir l’évidence historique ; percevoir clairement les relations causales ; inculquer l’amour du vrai ; assurer une meilleure formation civique ; incliner à la tolérance ; illustrer les autres disciplines, spécialement la géographie et la littérature ; discipliner la mémoire, l’imagination, le jugement ; développer les habitudes de précision dans l’examen des faits et de finesse dans leur comparaison ; apprendre à discerner et à différencier l’essentiel de l’accessoire, nécessité fondamentale de la vie quotidienne…

b) Les finalités, objectifs et intentions pédagogiques du cours d’histoire selon le nouveau programme congolais : quels sont les choix opérés par les concepteurs du nouveau programme d’histoire au secondaire au Congo quant aux finalités, objectifs généraux et intentions pédagogiques ? Ces choix sont clairement exprimés au début du programme (pp. 2 et 3). Il s’agit de :

– Finalités : […] le programme relu et réécrit de l’enseignement d’histoire vise à former unHOMME COMPLET, PATRIOTE ET TRAVAILLEUR, c’est-à-dire :

1. doté de bonnes capacités physiques, intellectuelles, morales et spirituelles ;

2. efficace, utile à lui-même et à la société ;

3. digne, connaissant bien son pays pour l’engager sur la voie du développement par le travail productif, la crédibilité, l’innovation et l’esprit critique ;

4. fortement attaché à la nation et ouvert au monde ;

5. tourné vers l’excellence et constamment à la recherche des solutions adéquates aux situations et aux problèmes ;

6. responsable, conscient de ses droits (liberté, justice, paix…) et respectueux de ses obligations (familiales, sociales et patriotiques).

– Objectifs généraux : le cours d’histoire constitue pour les élèves de l’enseignement secondaire et professionnel, une occasion propice pour acquérir, bref, maîtriser un ensemble de compétences intellectuelles et sociales ainsi que des connaissances particulièrement historiques, plus concrètement, le cours d’histoire doit :

1. permettre aux élèves de développer trois compétences intellectuelles : l’esprit scientifique, l’esprit historique et l’esprit critique ;

2. apporter aux élèves un bagage intellectuel susceptible non seulement d’améliorer leur connaissance et leur compréhension du passé , du présent et de l’avenir, mais aussi d’accroître leur créativité et leur maturité sur différents plans ;

3. permettre aux élèves de maîtriser le langage technique ainsi qu’une série de notions de base en histoire.

– Intentions pédagogiques : le nouveau programme est construit selon la logique de la pédagogie moderne, active et participante qui privilégie l’apprentissage de l’histoire, ce qui amène l’élève à jouer le rôle d’apprenti historien. Il rompt ainsi avec la pédagogie traditionnelle qui considérait essentiellement l’histoire comme une branche de mémoire, qui tend à mémoriser les faits, les dates, les personnages…

Il apparait que les concepteurs du nouveau programme ont opté pour la « formation d’un apprenti historien ». Mais, toute analyse faite, il nous revient de constater que le nouveau programme combine toutes les trois finalités de l’enseignement de l’histoire que nous venons d’évoquer, à savoir: la formation d’un individu fortement attaché à sa patrie, la formation à la citoyenneté et la formation d’un apprenti historien.

En effet, sans chercher à sous-estimer les efforts considérables consentis par les concepteurs de ce nouvel outil pédagogique, nous nous posons quelques questions par rapport à ses finalités, intentions pédagogiques… Peut-on former un « patriote », une « personne fortement attachée à la nation » par la formation d’un apprenti historien ? Que signifie « former un patriote » ? Cette formation (de patriote) joue-t-elle un rôle dans les débats politiques actuels du pays ? Autrement dit, la formation d’un « homme fortement attaché à la nation » a-t-elle pour objectif de juguler les tendances séparatistes afin de préserver l’unité nationale de la RDC menacée depuis 1998 ?5

Le nouveau programme d’histoire, répétons-le, cherche à faire du jeune Congolais, un « apprenti historien » ; pourtant, de plus en plus actuellement, comme nous venions de le signaler, la littérature pédagogique sur la didactique de l’histoire prône soit la formation à la citoyenneté (Rey et Staszewski, 2004) soit la combinaison des trois finalités suscitées (Pinson, 2007). Pour ne reprendre que ce dernier notamment sur la formation à la citoyenneté, disons que l’histoire aide aussi à la formation du citoyen. Pour Pinson, cette formation du citoyen comporte deux grandes directions. La première est celle de la connaissance du monde et du passé pour comprendre les enjeux du présent. La deuxième direction proposée est celle du développement de l’esprit critique: les moments historiques proposés par le programme ne sont pas des modèles ; ils doivent permettre de développer l’esprit critique, la tolérance et la connaissance de l’autre.

Pinson rappelle enfin que les références à la démarche historique ont pratiquement disparu des instructions officielles de l’enseignement secondaire. L’enjeu n’est donc pas de reproduire, dans la classe, la démarche de l’historien, ce qui serait de toute façon illusoire, mais de se situer résolument du côté des apprentissages scolaires et de participer, par l’enseignement de l’histoire, à la construction des compétences transdisciplinaires : mémorisation pour contribuer à la construction d’une culture, maîtrise des langages et mise en œuvre d’une démarche critique.

Nous pensons ainsi que la pédagogie traditionnelle de mémorisation n’est pas totalement inutile en histoire, car si on veut cultiver l’esprit d’unité en RDC, la mémorisation de quelques éléments des faits et personnages saillants de son histoire comme la colonisation, l’effort de guerre, la décolonisation, les troubles post-coloniaux, la dictature de Mobutu, les rébellions, Léopold II, Baudouin, Kasa-Vubu, Lumumba, Mobutu, Kabila,… nous paraît justifiée. Et même l’histoire récit a son intérêt dans une perspective de la construction de l’unité du pays comme le Congo, mais il faut éviter que ce récit ne devienne un endoctrinement.

Certes, il ne s’agit en aucune façon de faire des jeunes Congolais des encyclopédies vivantes, prêtes à tout reproduire ou à répondre à des concours radiophoniques,… mais les recommandations pédagogiques, surtout implicites, du nouveau programme incitent les élèves, dans une certaine mesure, à la mémorisation et les enseignants à recourir au cours expliqué, pratique de la vieille pédagogie. Et pourtant, le nouveau programme rompt avec la pédagogie traditionnelle! À titre illustratif, la compétence de base quatre (CB4), page 86 stipule: « concernant l’histoire du Congo, l’élève devra être capable de décrire les différentes étapes de la création de l’État indépendant du Congo et de ses contacts avec le monde extérieur ». Il doit donc mémoriser ! Il en est de même pour d’autres compétences de la 1ejusqu’à la 6e secondaire. Nous pensons, pour le dire autrement, que tous les objectifs spécifiques et compétences de base de chaque leçon portant des recommandations comme rendre l’apprenant capable de « définir », « expliquer », « citer », « déterminer »… font cependant appel à un effort mnémonique.

De son côté, l’enseignement, même s’il doit se conformer aux exigences de la pédagogie moderne active et participante, qui privilégie l’apprentissage de l’histoire, ne peut totalement abandonner le cours expliqué. Le nouveau programme tout en le rejetant, lui accorde implicitement encore de la place en classe d’histoire.

Eu égard à ce qui précède, nous pouvons affirmer que la justification, a priori séduisante, du choix des intentions pédagogiques, objectifs et finalités de nouveau programme ne tiendrait pas la route. Le nouveau programme d’histoire semble manquer de cohérence en ce sens qu’il propose, surtout implicitement, à la fois plusieurs finalités : la finalité politique, la formation civique, la formation d’apprenti historien. Il en est de même au niveau des approches : méthodes actives, approche par compétences, approche traditionnelle, récit…

Car, même s’il est prématuré de faire le bilan d’une réforme qui vient d’être lancée, il y a sept ans, il est permis de reconnaître que certaines réformes de l’enseignement peuvent se traduire par une régression ou par des conséquences fâcheuses et inattendues telles qu’une baisse des résultats scolaires ou des progrès minimes à moindre coût. Aux métaphores qui symbolisent le mouvement, l’énergie, le dynamisme, il faut donc ajouter, d’après M. Skilbeck(1990), la voie sans issue. « Réforme » et « progrès » ne sont pas toujours synonymes.

Le programme scolaire et la pédagogie sont les principaux moyens dont dispose l’école pour atteindre ses objectifs et structurer l’apprentissage. Partout, les programmes se modifient, aussi imperceptible que ce soit. Mais comment pouvons-nous caractériser ce nouveau changement de programme d’histoire au secondaire en RDC ? Le contenu de la « nouvelle » matière étant bien déterminé, il reste à l’appliquer. Cette tâche délicate incombe surtout à l’enseignant. Celui-ci est sensé avoir acquis une formation spécifique, voire avoir accumulé de l’expérience. C’est de cette formation que nous allons parler dans les lignes suivantes avant de donner une image de la réalité de la classe d’histoire en RDC.

3. La formation des enseignants d’histoire du niveau secondaire.

Avant d’aborder la formation proprement dite des enseignants d’histoire du secondaire, nous allons d’abord traiter des objectifs assignés aux Instituts Supérieurs Pédagogiques (ISP), de leur création ainsi que de leur évolution.

3.1. Les objectifs des ISP : en RDC la mission de former les enseignants du secondaire, toutes disciplines scolaires confondues, fut confiée dès leur création, aux Écoles Normales (Moyennes et Supérieures) devenues, depuis la Réforme de 1971, des ISP. L’Enseignement Supérieur Pédagogique a été conçu, d’après la Revue Pédagogique n°11 (1988 :15), pour plusieurs objectifs, notamment :

1) de pourvoir le pays, en fonction de ses besoins, en enseignants de très haut niveau de formation générale et spécialisée, aux qualités morales et pédagogiques éprouvées ;

2) de stimuler chez le futur enseignant (d’histoire) à une prise de conscience de son rôle d’encadreur, de la noblesse de sa mission et à la dignité de sa personne ;

3) d’organiser la recherche dans le domaine de la pédagogie en vue de découvrir les méthodes susceptibles d’améliorer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire ;

4) de vulgariser les résultats de ces recherches par la rédaction et la diffusion des manuels scolaires adaptés à ces deux niveaux d’enseignement ;

5) de conférer les grades légaux conformément aux dispositions législatives et réglementaires sur la collation de ces grades. Il peut délivrer des diplômes scientifiques et ceux qui lui sont propres. Ces diplômes ne confèrent pas les droits inhérents aux grades légaux, sauf les exceptions établies par la loi.

3.2. Création et évolution des ISP : la formation des enseignants congolais pour les écoles secondaires n’avait pas préoccupé le pouvoir colonial jusqu’à la veille de l’indépendance. C’est ainsi que la première École Normale Moyenne (ENM) de la colonie ne verra le jour qu’en 1959 à Élisabethville (actuelle ville de Lubumbashi). Elle sera suivie, après l’indépendance, des autres ENM notamment de la Gombe6 et de l’Institut Pédagogique National7 de Léopoldville (Kinshasa) en1961, l’ENM de Boma en 1963, de Bukavu en 1964, celles de Luluabourg (Kananga) et de Banningville (Kikwit) en 1966, celles de Coquilathville (Mbandaka) et de Stanleyville (Kisangani) en 1967, celles de Bunia et de Mbuji-Mayi en 1968, celle de Kimpese8 en 1969.

Depuis lors, le nombre des I.S.P. n’a fait que croître pour répondre aux besoins d’un accroissement des effectifs scolaires en nette progression au niveau secondaire ; ce qui a donné naissance à un nombre important de candidats potentiels à ce type d’enseignement par une amélioration du taux d’accès. Ainsi, Ndaywel (2007:322) note par exemple qu’en 2006, la RDC comptait 46 ISP9 répartis inégalement à travers les provinces : Kinshasa 3, Bas-Congo 3, Bandundu 9, Equateur 4, Kasaï-Occidental 3, Kasaï-Oriental 4, Province Orientale 5, Katanga 6, Maniema 3, Nord-Kivu 4, Sud-Kivu 2.

Tous ces ISP sont-ils pourvus des enseignants qualifiés pour assurer des enseignements de qualité? À cet égard et pour reprendre Ndaywel, la loi régissant l’enseignement supérieur réserve la fonction d’enseignant à l’université et dans les instituts supérieurs aux titulaires d’un diplôme de docteur obtenu à la suite de la soutenance publique d’une thèse de doctorat dans une université congolaise ou étrangère, ou à des personnes justifiant de titres équivalents. Par manque criant d’enseignants de cette catégorie, presque tous les enseignements dispensés dans ces ISP, hormis ceux de la capitale10, sont assurés par des Chefs de Travaux et des Assistants dont le nombre s’élevait à 1.640 en mai 2006 au niveau national. Or, on le sait bien, la qualité du corps enseignant joue à cet égard un rôle de premier plan, sans négliger les autres composantes de la réhabilitation et de l’expansion de ce niveau d’enseignement tels les programmes, les équipements, les infrastructures… Face aux exigences du système, le corps professoral a été jugé insuffisant11, vieillissant et démotivé.

3.3. Formation des enseignants d’histoire au secondaire : comme nous l’avons souligné plus haut, la formation des enseignants capables d’enseigner les différentes disciplines inscrites au programme de l’enseignement secondaire revint aux ENM, devenues des ISP depuis 1971 et qui, depuis presque deux décennies, sont disséminées à travers le pays. Chaque institution organise plusieurs filières d’enseignement appelées « Département » ou « Option ». Ainsi, on trouve les départements de Mathématique-Physique, Biologie-Chimie, Français-Linguistique Africaine, Français-Latin, Anglais-Culture Africaine, Géographie-Sciences Naturelles, Orientation Scolaire et Professionnelle, Éducation Physique12, Physique Technologie, Histoire-Sciences Sociales… C’est au sein de ce dernier département qu’on forme les enseignants d’histoire.

3.3.1 Conditions d’admission: pour être admis en première année de Graduat en Histoire et Sciences Sociales (HSS), il n y a pas de conditions particulières: comme pour les autres options, le candidat doit être porteur d’un diplôme de fin d’études secondaires (diplôme d’État) ou du diplôme équivalent. À cette condition, on en ajoute d’autres, notamment les qualités morales et physiques. En pratique cependant, elles ne sont pas un obstacle à l’admission : on retrouve même des personnes avec des graves handicaps physiques dans des ISP et on admet les candidats sans preuve qu’ils soient de bonne moralité ! À partir de l’année académique 2009-2010, dans le cadre de la lutte contre la baisse du niveau de l’enseignement, le Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire (ESU) a signé l’Arrêté n° 068 qui fixe le pourcentage minimum pour l’accès à l’ESU à 60 %. Ceux qui ont obtenu leur diplôme avec des % qui naviguent entre 50 à 59 doivent passer un test d’admission en fonction des places disponibles dans l’institution sollicitée. Cette condition barrera la route à beaucoup de candidats quand on sait que le niveau de l’enseignement ne cesse de baisser à tous les cycles et surtout que les % de la plupart de diplômes d’État obtenus dans le secondaire varient entre 50 à 59.

3.3.2 Cours inscrits aux programmes des 3 années de Graduat en HSS et de Licence en Histoire

1ère Année de Graduat (de 1965 à 2005)

MATIÈRES INSCRITES AU PROGRAMME

HEURES

Théoriques

Pratiques

Total

01

Civisme et développement

45 h

45 h

02

Didactique générale

45 h

45 h

03

Méthodes de recherche en HSS

30 h

15 h

45 h

04

Préhistoire et histoire de l’Antiquité

60 h

30 h

90 h

05

Histoire du Moyen-âge

45 h

15 h

60 h

06

Histoire de l’Afrique (1e partie)

60 h

30 h

90 h

07

Histoire du Congo (Zaïre) (1e partie)

45 h

30 h

75 h

08

Linguistique africaine

30 h

30 h

09

Sociologie de l’Afrique

60 h

60 h

10

Géographie générale et africaine

45 h

45 h

11

Économie politique (1e partie)

45 h

15 h

60 h

12

Logique

30 h

15 h

60 h

13

Expression orale et écrite en français

15 h

30 h

45 h

14

Histoire de Temps Modernes

45 h

30 h

75 h

TOTAL

600 h

210 h

810 h

2ème Année de Graduat (de 1965 à 2005)

MATIÈRES INSCRITES AU PROGRAMME

HEURES

Théoriques

Pratiques

Total

01

Introduction à la Psychologie

30 h

30 h

02

Psychologie de l’enfant et de l’adolescent

30 h

30 h

03

Didactique spéciale d’histoire

30 h

120 h

150 h

04

Psychopédagogie

30 h

30 h

05

Critique historique

45 h

15 h

60 h

06

Histoire de l’Epoque Contemporaine

90 h

30 h

120 h

07

Histoire de l’Afrique (2e partie)

45 h

30 h

75 h

08

Étude des sociétés africaines

60 h

60 h

09

Histoire du Congo (Zaïre) (2e partie)

45 h

30

75 h

10

Géographie générale du Congo(Zaïre)

60 h

60 h

11

Économie politique (2e partie)

30 h

30 h

12

Introduction aux problèmes de l’éducation

45 h

45 h

TOTAL

540 h

225 h

765 h

3ème Année de Graduat (de 1965 à 2005)

MATIÈRES INSCRITES AU PROGRAMME

HEURES

Théoriques

Pratiques

Total

01

Principes d’orientation scolaire et professionnelle

30 h

30 h

02

Statistique descriptive

30 h

15 h

45 h

03

Philosophie

30 h

30 h

04

Organisation et législation scolaires

30 h

30 h

05

Compléments de Sciences sociales

30 h

30 h

06

Compléments d’Histoire

60 h

60 h

07

Éthique et déontologie professionnelle

15 h

15 h

08

Grands problèmes contemporains

60 h

60 h

09

Stage de 150 heures d’enseignement

150

150 h

10

Rédaction d’un travail de fin de cycle

TOTAL

285 h

165 h

450

Comme ces différents tableaux nous l’indiquent, un finaliste du premier cycle, avant d’avoir son diplôme de graduat en Pédagogie Appliquée, option Histoire et Sciences Sociales, doit avoir réussi trois années de 2.025 heures des enseignements dont 1.425 théoriques et 600 pratiques. Toutefois, si pour les heures théoriques il existe des mécanismes de contrôle des prestations, les heures d’enseignement pratique sont prestées, pour la plupart des enseignants, dans des conditions déplorables. À titre exemplatif, la didactique spéciale en 2eannée (120 h de pratique) et le stage en 3e année (150 h), deux matières qui constituent le soubassement de la formation d’un enseignant d’histoire au cycle inférieur du secondaire (de la 1e à la4e secondaire) sont considérées comme de « passe-temps » pour la plupart des étudiants! Dans beaucoup d’ISP, les étudiants de 2e graduat ne parviennent même pas à enseigner deux leçons au cours de l’année et même la critique des leçons auxquelles ils assistent se fait de manière complaisante. Quant au stage professionnel (150 heures), il n’est resté qu’une simple formalité quand bien même, comme on le verra plus loin, son volume horaire vient de doubler (300 heures) lors de la récente réforme de 2005.

Voyons à présent au niveau du cycle de licence.

1e Licence en Histoire (de 1975 à 2005)

MATIÈRES INSCRITES AU PROGRAMME

HEURES

Théoriques

Pratiques

Total

01

Histoire du Congo et de l’Afrique Post-coloniale

45 h

15 h

60 h

02

Histoire des institutions islamiques en Afrique

60 h

60 h

03

Grands problèmes contemporains

45 h

45 h

04

Questions spéciales d’Histoire I

45 h

15 h

60 h

05

Histoire économique

45 h

45 h

06

Bibliothèque et Archivistique

30 h

15 h

45 h

07

Arts et techniques africains

45 h

45 h

08

Introduction à l’archéologie

30 h

30 h

09

Éducation comparée

30 h

30 h

10

Pédagogie expérimentale

30 h

30 h

11

Méthodologie spéciale

30 h

60 h

90 h

12

Géographie humaine et économique

45 h

15 h

60 h

13

Statistique inférentielle

30 h

15 h

45 h

14

Méthodes de recherche en histoire et sciences soc.

30 h

30 h

TOTAL

540 h

135 h

675 h

2e Licence en Histoire (de 1976 à 2005)

MATIÈRES INSCRITES AU PROGRAMME

HEURES

Théoriques

Pratiques

Total

01

Histoire des religions

45 h

45 h

02

Histoire des explorations et découvertes

60 h

60 h

03

Etude des doctrines politiques et économiques

60 h

60 h

04

Histoire des relations internationales

60 h

30 h

90 h

05

Historiographie de l’Afrique

15 h

15 h

30 h

06

Questions spéciales d’Histoire II

60 h

15 h

75 h

07

Relations économiques internationales

30 h

30 h

08

Histoire de la pédagogie

30 h

30 h

09

Stage

150 h

150 h

10

Socio-économie de l’éducation

30 h

30 h

11

Rédaction et défense d’un mémoire

TOTAL

390 h

210 h

600 h

En principe, pour pouvoir enseigner le cours d’histoire dans les classes de 5e et 6e années secondaires, il faut avoir fait deux ans de licence en pédagogie appliquée en Histoire ; donc avoir subi une formation théorique de 930 heures et pratique de 345 heures dont 60 pour la pratique professionnelle en 1e licence et 150 heures de stage en 2e licence.

Il y a lieu de noter en passant que l’accès à ce cycle d’études est subordonné à la réussite au concours organisé, au départ, au niveau national et qui, à partir de 1990, est organisé par les différents ISP à deux cycles (graduat et licence). Ce concours visait surtout à limiter l’accès au nombre toujours très élevé des candidats désireux d’entamer ce second cycle, nombre qui dépassait largement les capacités d’accueil.

3.3.3 Nouvelles options, changements des intitulés des options et nouveaux cours : depuis l’année académique 2005-200613, voire avant dans certains ISP, de nouvelles options ou filières ont été créées dans plusieurs ISP. Ainsi, des options comme Sciences Commerciales, Informatique, Gestion et Administration des Institutions Scolaires et de Formation… ont été ajoutées aux côtés des filières traditionnelles (Anglais, Biologie, Français, Géographie, Histoire…). Aussi, la plupart des intitulés des anciennes options des ISP viennent de subir une modification. Ainsi, le Département d’Histoire et Sciences Sociales devient Histoire et Gestion du Patrimoine (HGP), celui de Géographie et Sciences Naturelles devient Géographie et Gestion de l’Environnement, etc.

Quant aux nouveaux cours, pour l’option HGP, nous pouvons citer :

– Pour le 1er Graduat :

a) l’éducation à la Citoyenneté : 30 h T, qui remplace le Civisme et Développement (45 h T)

b) l’informatique : 30 h (15 T + 15 P)

c) l’anglais : 45 h (15 T + 30 P)

d) l’histoire de l’Art : 30 h T

N.B : Le cours d’Histoire du Moyen-âge et celui d’Histoire des Temps Modernes sont fusionnés et forment un cours de 90 h (60T + 30 P).

– Pour le 2e Graduat :

a) la pédagogie générale : 30 h T

b) l’introduction à l’Archéologie : 30 h T

c) la démographie historique : 60 h (45 T et 15 P)

d) l’informatique documentaire : 45 h (15 T et 30 P)

En dehors de ces nouveaux cours, les intitulés de certains anciens cours sont modifiés, il s’agit de :

a) Didactique Spéciale 150 h (30 T et 120 P) qui devient Didactique Spéciale et Évaluation 90 h

(30 T et 60 P) ;

b) Études des Sociétés Africaines 60 h T qui devient Sociologie de la Famille 30 h T ;

c) Introduction à la Psychologie 30 h T qui devient Psychologie Générale 30 h T.

– Pour le 3e Graduat :

a) Sociologie du Travail : 30 h T

b) Bibliothéconomie, Archivistique et Muséologie : 45 h T

c) Sociologie Rurale et Urbaine : 30 h T

Les intitulés de deux anciens cours sont modifiés : l’ancien cours d’Organisation et Législation Scolaires (30 h T) porte désormais le titre d’Organisation, Administration et Législation Scolaires, celui de Complément des Sciences Sociales (30 h T) devient Études des Sociétés et Cultures Africaines (45 h T). Comme nous l’avons noté ci-dessus, le stage professionnel qui avait 150 h, voit son volume horaire doublé (300 h). Cela signifie que l’étudiant stagiaire enseigne dans son école (secondaire) pendant presque toute l’année scolaire alors qu’en pratique, on observe plutôt le statu quo ante ou plutôt une tendance au raccourcissement de l’ancienne durée requise (150 h).

– Pour la 1e Licence :

Un seul cours vient d’être ajouté, il s’agit de la Conception, de la Constitution et l’Exploitation de Banque des Données (30 h T). Un seul cours aussi a connu la modification de l’intitulé, c’est celui de la Bibliothéconomie et Archivistique 45 h (30 T et 15 P) qui devient Méthodes de Gestion des Bibliothèques, Archives et Centres de Documentation (30 h T).

– Pour la 2e Licence :

a) Gestion des Ressources Humaines : 45 h T

b) Analyse Démographique : 30 h T

c) Planification : 30 h T

Les intitulés de tous les autres cours sont restés inchangés.

Il y a théoriquement en termes de volume horaire, 2.025 h des cours (dont 600 pratiques) pour la formation des Gradués en HSS (de 1965 à 2005) contre 2.145 h (dont 735 pratiques) pour l’actuel programme de Graduat en HGP. Au niveau de la licence, l’écart est moins prononcé entre les deux programmes : 1.275 h de cours (dont 345 pratiques) pour celui de 1975 à 2005 contre 1.350 h (dont 335 pratiques) à partir de 2005.

Tous ces programmes de formation prévoient des cours :

  1. de formation générale : cours communs à toutes les options des I.S.P. voire des Universités du pays, en l’occurrence l’Éducation à la Citoyenneté (ancien Civisme et Développement), l’Expression Orale et Écrite en français, la Logique, la Statistique, l’Informatique, l’Initiation à la Recherche, Éthique et Déontologie…

  2. de formation psychopédagogique : notamment la Didactique Générale et Spéciale, la Psychologie, la Psychopédagogie, la Pédagogie, les Principes d’Orientation Scolaire et Professionnelle…

  3. de spécialisation : ceux relatifs à la discipline de référence (historique) et aux disciplines apparentées (Sociologie, Géographie, Économie…), qui constituent d’ailleurs la majorité.

Ces deux dernières catégories de cours préparent l’étudiant à son futur métier d’enseignant d’histoire au niveau secondaire. Mais, en réalité, c’est à travers la pratique professionnelle et le stage que l’étudiant, futur enseignant d’histoire, se trouve devant des réalités qu’il devra affronter, au quotidien, au terme de sa formation.

Ces changements qui s’inscrivent dans le cadre de l’adaptation à l’évolution du monde visaient surtout à attirer des étudiants qui s’inscrivent dans les ISP mais n’aspirent pas non plus à travailler comme enseignants du secondaire après leurs études. Ces changements étaient censés attirer beaucoup d’étudiants dans les ISP notamment à partir de 2005-2006, ce qui ne semble pas être généralement le cas comme on peut l’observer dans le tableau ci-dessous :

Effectifs des étudiants dans certains ISP avant et après 2005.

NOM DE L’ISP

Année académique

Total des étudiants

Etudiants en Histoire

% en Histoire

Bandundu

2003-2004

2006-2007

312

658

62

146

19,8

22

Bunia

2003-2004

2005-2006

283

456

56

66

19,7

14,4

Gombe

2003-2004

2005-2006

1.809

3.128

23

58

1,2

1,8

Kananga

2001-2002

2006-2007

1.402

642

128

53

1,5

8,3

Mbuji-Mayi

2001-2002

2006-2007

320

783

20

54

0,6

0,6

Wembo-Nyama

2003-2004

2006-2007

178

551

10

33

0,5

0,5

Le tableau indique clairement que cette réforme n’a pas d’impact sur l’effectif des étudiants en histoire dont les pourcentages sont restés presque stationnaires pendant la période de 2002 à 2007. On remarque par contre une nette augmentation, de manière générale, des effectifs étudiants due, comme nous l’avons déjà relevé, au changement des intitulés des options dans les ISP. Cela permet-il de résoudre l’épineux problème de sous-qualification des enseignants au niveau de l’enseignement secondaire ? Le tableau suivant nous en donne une idée.

Taux de qualification des enseignants du secondaire par province en RDC en 2006/2007

PROVINCE

ENSEIGNANTS

QUALIFIÉS

ENSEIGNANTS

NON QUALIFIÉS

EFFECTIF

TOTAL

Effectifs

%

Effectifs

%

Kinshasa

21.486

87

3.330

13

24.816

Bas-Congo

2.985

25

9.072

75

12.057

Bandundu

6.321

16

34.308

84

40.629

Équateur

2.330

15

13.353

85

15.683

Province Orientale

2.762

23

9.424

77

12.186

Nord-Kivu

2.988

26

8.356

74

11.344

Sud-Kivu

2.516

27

6.761

73

9.277

Maniema

174

5

3.421

95

3.595

Kasaï Oriental

4.620

28

11.973

72

16.593

Kasaï Occidental

4.762

32

9.891

68

14.653

Katanga

7.250

39

11.552

61

18.802

TOTAL DU PAYS

58.194

32

121.441

68

179.635

Source : Cellule Technique pour les Statistiques de l’Éducation, (2008) voir Mokonzi (2009).

Ce tableau révèle un taux très élevé de sous qualification des enseignants du secondaire à travers le pays et ce taux est très variable entre les provinces. Il met au grand jour le manque d’intérêt des jeunes à l’égard du secteur d’enseignement. La proportion très élevée des enseignants non qualifiés (sauf à Kinshasa) signifie la présence massive d’enseignants n’ayant pas été eux-mêmes au-delà de ce cycle d’études. On dirait, pour reprendre les termes de Mokonzi, qu’en RDC pour enseigner long comme le doigt, il suffit de connaître long comme le doigt! Des mesures appropriées devraient être prises pour juguler ce phénomène qui risque de s’étendre au niveau de l’enseignement primaire, s’il ne l’est pas déjà dans les écoles rurales.

4. Réalité de la classe d’histoire: décalage entre le prescrit et le vécu

Comme nous l’avons souligné plus haut, les instructions officielles, plus précisément celles contenues dans le nouveau programme d’histoire de 2005, recommandent aux enseignants d’histoire de la RDC de solliciter la participation des élèves dans toutes les étapes de la leçon. Pour nous rendre compte de l’application, par les enseignants d’histoire, de ces directives, nous avons questionné, observé et interviewé, entre avril et mai 2009, 64 enseignants d’histoire et 600 élèves des classes de 5e et 6e secondaires. Ces enseignants et élèves ont été retenus aléatoirement dans les écoles secondaires, tous régimes de gestion confondus, de la ville de Kinshasa et de la province du Kasaï-Occidental.

4.1 Quelques caractéristiques des enseignants et élèves enquêtés

Niveau d’études des enseignants sondés

Niveau d’études des enseignants

Nombre

% du nombre total des enseignants
Licenciés agrégés en histoire

43

67,2

Gradués en pédagogie appliquée en histoire

15

23,4

Autres (LH, LP, A1)14

6

9,4

Total

64

100

Le cours d’histoire est assuré par les enseignants de niveaux de spécialités et d’études différents. Il y en a qui sont de formation historique et ceux qui ne le sont pas, mais assurent le cours d’histoire. Cette deuxième catégorie dispense cette discipline par manque d’enseignants qualifiés et pour compléter le volume horaire requis.

Les données de ce tableau révèlent aussi que parmi les 64 enseignants impliqués dans cette étude, 90,6 % sont de formation historique : 67,2 % d’enseignants sont des licenciés agrégés en histoire et 23,4 % des gradués en pédagogie appliquée en histoire et sciences sociales ; tous formés dans les ISP. Seulement 9,4 % d’enseignants ont d’autres formations (philosophie, ingénieur technicien…). Il convient de remarquer que les six enseignants non qualifiés appartiennent à la province du Kasaï-Occidental. Cela ne fait que confirmer l’hypothèse selon laquelle, la sous-qualification du personnel enseignant touche surtout les écoles rurales ou de l’arrière pays. Parmi les raisons qui expliqueraient ce phénomène en RDC, on peut citer notamment les mauvaises conditions de vie de ces enseignants (difficultés d’approvisionnement en eau, en électricité et de communication, retard de paiement, etc.). Étant donné la rareté des enseignants qualifiés en histoire, les responsables d’écoles se contentent d’engager des D6 ou PP615, des gradués ou des licenciés des autres disciplines disposés à dispenser le cours d’histoire.

Années d’expérience comme enseignants du cours d’histoire

Années

d’expérience

Nombre

d’enseignants

%

1 à 5 ans

7

10,9

6 à 10 ans

16

25,0

11 à 15 ans

19

29,7

16 à 20 ans

11

17,2

21 et plus

11

17,2

Total

64

100

Notre enquête montre qu’un grand nombre (89,06 %) d’enseignants constituant notre échantillon ont plus de cinq ans d’expérience en enseignement de l’histoire : 25 % d’enseignants ont une expérience de 6 à 10 ans, 29,7 % ont une expérience de 11 à 15 ans, 17,2 % enseignaient déjà depuis 16 à 20 ans et encore 17,2 % d’enseignants chevronnés depuis plus de 20 ans. Ramenées à trois groupes, les données de ce tableau se présentent comme suit : de 0 à 10 ans d’expérience, on compte 23 enseignants soit 35,9 %; de 11 à 20 ans, 30 enseignants, soit 46,9 % et pour plus de 20 ans d’expérience on trouve 11 enseignants soit 17,2 %. Cette longue expérience de la plupart des enseignants d’histoire nous a permis de donner un certain crédit aux réactions de ces derniers à notre questionnaire.

Application du nouveau programme d’histoire

Enseignants déclarant appliquer déjà le NPH

53

82,8 %

Enseignants déclarant ne pas appliquer le NPH

11

17,2 %

Total

64

100 %

Dans notre enquête nous constatons que la majorité des enseignants (82,8 %) déclarent appliquer déjà le NPH. Mais à vrai dire cette application est anarchique : 13,2 % d’enseignants appliquent ce NPH depuis 2005-2006, alors que 17 % d’enseignants le pratiquent depuis 2006-2007, 45,3 % d’enseignants depuis 2007-2008 et 24,5 % d’enseignants le mettent en application depuis 2008-2009. Il y a un peu plus (85,2 %) d’enseignants qui disent appliquer le NPH dans la province (ville) de Kinshasa par rapport à la celle du Kasaï-Occidental (80 %), sans que cela soit vraiment significatif.

Les 6.000 élèves concernés par l’enquête étaient un peu plus nombreux (55,3 %) à être des garçons. Les filles abandonnent plus rapidement l’enseignement secondaire pour se marier. Beaucoup d’élèves concernés par notre étude, débutant la classe de 5e, sont en retard scolaire du fait que leur âge va de 16 à 23 ans au lieu de 16 à 17 ans.

Dans le système éducatif de la RDC, l’âge normal pour les élèves débutant la classe de 5e est compris entre 16 ans et 17 ans, et ceux de 6année entre 18 et 19 ans. La lecture des données de ce tableau permet de noter que beaucoup d’élèves concernés par notre étude sont en retard scolaire du fait que leur âge va de 16 à 23 ans au lieu de 16 à 17 ans.

4.2. Résultats de l’enquête : pour découvrir « l’envers du décor », nous avons jugé opportun de confronter les éléments issus de questionnaires administrés aux 64 enseignants d’histoire et 600 élèves de classes de 5e et 6e secondaires à ceux de l’observation des classes d’histoire ainsi que des interviews organisées avec les enseignants observés. Néanmoins, n’étant pas en mesure d’observer les 64 enseignants ayant répondu à notre questionnaire, nous avons assisté à dix leçons dispensées par les enseignants (9 hommes et 1 femme), dont les caractéristiques sont les suivantes :

Caractéristiques des enseignants observés et interviewés

N° DES ENSEIGNANTS

Caractéristiques

4

11

12

19

23

32

34

42

54

58

1

Sexe (M ou F)

M

M

F

M

M

M

M

M

M

M

2

Province (Kin ou Koc)

Kin

Kin

Kin

Kin

Kin

Kin

Koc

Koc

Koc

Koc

3

Régime de gestion16

NC

CC

CC

CP

CI

P

NC

CC

P

CP

4

Diplôme17

LAH

LAH

LAH

LAH

LAH

LAH

LAH

LAH

LAH

NC

5

Expérience d’enseignement (nombre d’années)

23

21

11

22

13

10

20

19

26

1

6

Formation pour enseigner l’histoire (oui ou non)

oui

oui

oui

oui

oui

oui

non

non

oui

non

7

Formation au NPH (oui ou non)

oui

oui

oui

non

oui

oui

non

oui

non

non

8

Application du NPH (oui ou non)

oui

oui

oui

oui

non

oui

oui

oui

non

oui

9

Nombre d’élèves de la classe

44

31

35

35

26

27

47

33

40

25

Voici, de manière synthétique, les éléments sur lesquels ont porté nos observations des classes :

N° DES ENSEIGNANTS

4

11

12

19

23

32

34

42

54

58

Total

%

Points observés

/618

/6

/6

/6

/6

/6

/6

/6

/6

/6

/60

/100

1

l’enseignant explique ou transmet la matière

6

6

6

0

6

5

5

6

6

6

52

86,7

2

l’enseignant pose des questions aux élèves

4

2

4

3

4

4

5

3

5

2

36

60

3

l’enseignant corrige les réponses des élèves

1

0

3

2

0

3

2

3

3

0

17

28,3

4

l’enseignant maintient la discipline et soutient les élèves

5

2

5

5

3

2

4

5

5

1

37

61,7

5

l’enseignant procède aux contrôles

4

5

4

0

3

5

6

2

4

2

35

58,3

6

l’enseignant motive les élèves

4

2

5

2

0

2

4

0

5

0

24

40

7

les élèves écoutent l’enseignant

6

4

5

6

5

6

3

5

5

2

47

78,3

8

les élèves notent la matière donnée par l’enseignant

6

3

6

0

5

5

4

3

5

2

39

65

9

les élèves répondent aux questions de l’enseignant

3

2

6

2

3

3

4

4

4

2

33

55

10

les élèves utilisent des manuels ou autres supports didactiques

0

2

2

0

2

0

4

0

0

10

16,7

11

les élèves dérangent (bavardage, sorties fréquentes, somnolence…)

1

4

1

0

2

2

3

1

1

4

19

31,7

12

enseignant fait travailler les élèves en groupes, individuellement…

0

0

0

6

0

0

0

0

0

0

6

10

13

l’enseignant transforme le sujet du jour en situation à vivre

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

14

l’enseignant maintient la discipline et soutient les élèves

0

0

0

5

0

0

0

0

0

0

5

8,3

15

l’enseignant veille au maintien et provoque la poursuite du travail

0

0

0

2

0

0

0

0

0

0

2

3,3

16

l’enseignant évalue le travail de chaque groupe ou de chacun

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

17

les élèves utilisent des manuels ou autres supports didactiques

0

0

0

6

0

0

0

0

0

0

6

10

18

les élèves participent activement aux rôles du groupe

0

0

0

5

0

0

0

0

0

0

5

8,3

19

les élèves perçoivent la problématique et comprennent l’information

0

0

0

3

0

0

0

0

0

0

3

5

20

les élèves font la recherche et traitent l’information

0

0

0

6

0

0

0

0

0

0

6

10

21

les élèves rédigent un rapport, une synthèse, un résumé

0

0

0

6

0

0

0

0

0

0

6

10

22

les élèves s’approprient le nouveau savoir construit

0

0

0

3

0

0

0

0

0

0

3

5

Nous avons ainsi pu observer les tendances des pratiques dans les classes concernées. En effet, indépendamment de lieu (Kinshasa ou Kasaï-Occidental), du régime de gestion de l’école, du sexe, de la qualification, de l’expérience et du perfectionnement reçu par l’enseignant pour enseigner l’histoire ou le NPH ; hormis l’enseignant n° 19, tous les autres (86,7 %) expliquent ou transmettent la matière (point 1). Cela pousse la majorité d’élèves (78,3 %) à adopter l’attitude d’écoute (point 7) et à noter (65 %) la matière donnée par l’enseignant (point 8). Pour y arriver, la plupart des enseignants (61,7 %) s’appliquent à maintenir la discipline en classe (point 4). Pour rompre le monologue et provoquer « l’activité » des élèves, les enseignants posent des questions (60 %) ou procèdent aux contrôles (58,3 %) à des intervalles réguliers (points 2 et 5). Face à ces questions de stimulation ou de vérification, la plupart des élèves répondent (55 %) même si un grand nombre d’enseignants (40 %) ne les motivent pas et ne sont que 28,3 % à corriger leurs réponses en classe (points 9, 6 et 3). Les professeurs ayant le plus d’ancienneté, motivent le plus les élèves (56,6 %). Ces observations indiquent des indices (31,7 %) de démotivation (bavardage, sorties, somnolence) chez les élèves durant le cours d’histoire (point 11) et montrent également le faible taux d’élèves (16,7 %) utilisant des manuels ou autres supports didactiques (point 10) en classe d’histoire.

Quant aux autres aspects visant la «vraie» mise en activité des élèves (points 12 à 22), en l’occurrence le travail individuel ou en groupes, le soutien affectif surtout lors des tâches complexes, la perception de la problématique, la recherche des données dans le support didactique… seul l’enseignant n° 19 sort du lot grâce à la combinaison des méthodes actives et participatives.

L’entrevue avec les dix enseignants observés a porté sur quelques éléments notamment :

1) les préoccupations de l’enseignant avant, pendant et à la fin de la leçon

2) les objectifs de la leçon en rapport avec les finalités du cours d’histoire

3) la motivation des élèves

4) le contenu de la leçon notamment sa conformité au NPH

5) les méthodes utilisées par l’enseignant

6) les activités des élèves au cours de la leçon

7) le matériel didactique de l’enseignant et des élèves

8) les difficultés rencontrées par l’enseignant et par les élèves.

Les entretiens avec les enseignants visités avaient un double but : d’une part apprécier la justification des enseignants quant aux choix opérés, aux actes posés, aux impressions… sur les leçons visitées et d’autre part confronter certains propos tenus et choix faits lors de l’observation des classes aux réponses qu’ils ont données au questionnaire qu’ils ont rempli au départ en vue, à la fois d’apprécier leur degré de conformité au nouveau programme ou de déceler des éventuelles contradictions. Tout cela en vue de déceler l’impact de la formation et de l’expérience des enseignants sur leurs pratiques d’enseignement.

5. Conclusion

Nous nous demandions au départ, si le changement de contenus des matières opéré par le nouveau programme d’histoire de 2005 et ses directives méthodologiques, avait permis de révolutionner les pratiques d’enseignement et à motiver les élèves au cours d’histoire. Alors que les instructions officielles contenues dans ledit programme recommandent aux enseignants d’histoire de solliciter la participation des élèves dans toutes les étapes de la leçon ; les résultats, surtout qualitatifs, indiquent que la quasi-totalité des enseignants concernés par notre enquête (presque 90 %) utilisent encore les modes transmissifs ou d’empreinte (la pédagogie traditionnelle). Même si les résultats des questionnaires indiqueraient que les élèves sont motivés et bien intéressés au cours d’histoire, l’observation des classes prouve le contraire : il y a plus de 30 % de cas de bavardage, sorties et questions oiseuses, somnolence, peu d’interventions… pendant le cours d’histoire, du moins pour les élèves concernés par notre enquête.

En effet, presque tous les enseignants d’histoire de notre échantillon préfèrent parler eux-mêmes ou poser des questions qu’accorder aux élèves des occasions d’analyser, comprendre, découvrir, interpréter… les savoirs. Nous pensons, comme Garcia et Leduc (2003) que plusieurs facteurs y contribuent : l’organisation des classes, la disposition des locaux, le manque du matériel didactique (particulièrement de manuels scolaires), la crainte que la maîtrise de la classe leur échappe, l’impression que les phases d’activité des élèves sont une perte du temps qui ralentit la « course » à l’achèvement du programme (surtout pour les élèves de 6e soumis à l’examen d’État), l’ignorance des approches visant à faire construire les savoirs par les élèves, le nombre souvent pléthorique d’élèves par classe, etc.

Les enquêtes menées par plusieurs autres chercheurs ont aussi indiqué l’intérêt de l’alternance entre le cours magistral ou l’exposé et le travail sur document en classe d’histoire : N. Lautier (1997) et de N. Tutiaux-Guillon et M-J. Mousseau (1998), R. Martineau (1999) et M.I. Hassani (2005). Toutefois, il n’est pas inutile de rappeler, qu’à moins qu’il ne soit constant, l’exposé ne peut, tout bien considéré, être totalement abandonné dans l’enseignement de l’histoire.

En somme, les enseignants d’histoire congolais devraient surmonter la passivité engendrée par l’enseignement, encourager l’activité de l’élève dont on veut former les qualités du futur citoyen. Car, enseigner l’histoire avec des méthodes « actives » dans une approche par compétences, ce n’est plus dispenser des connaissances générales de l’histoire aux élèves, mais développer des savoirs, de savoir-faire proches des compétences de l’historien professionnel.

Bibliographie

– Ekomba, I., Le système éducatif, rempart contre la domination, article inédit, Kinshasa,2004.

– Garcia P. et Leduc J., L’enseignement de l’histoire en France, de l’Ancien Régime à nos jours, Armand Colin, Paris, 2003.

– Hainaut, L. D’., Des fins aux objectifs de l’éducation : un cadre conceptuel et une méthode générale pour établir des résultats attendus d’une formation, 3e édition revue et augmentée, Paris, Nathan ; Bruxelles, Labor, 1983.

– Idrissi H.M., Pensée historienne et apprentissage de l’histoire, L’Harmattan, Paris, 2005.

– Kabasele W., « La remise en question du programme national d’histoire au cycle secondaire : une analyse critique » dans Annales I.S.P. Kananga, vol. IX, n° 2, 1999.

– Kajiga Mgr., « L’enseignement de l’histoire au Zaïre, facteur du développement de l’éducation » dans Cahiers du CRIDE, n° 1, Kisangani, 1974.

– Kita K. M., Colonisation et enseignement. Cas du Zaïre avant 1960, Bukavu, Ceruki, 1982.

– Lautier N., Enseigner l’histoire au Lycée, Paris, A. Colin, 1997.

– Martineau R.,L’histoire à l’école, matière à penser, L’Harmattan, Paris-Montréal, 1999.

– Mokonzi B.G., De l’école de la médiocrité à l’école de l’excellence au Congo-Kinshasa,L’Harmattan, Paris, 2009.

– Ndaywel È Nziem (I), Histoire du Zaïre, de l’héritage ancien à l’âge contemporain, éd. Duculot, Louvain-la-Neuve, 1997.

 Ndaywel I. (sous la direction), L’Université dans le devenir de l’Afrique. Un demi-siècle de présence au Congo-Zaïre, L’Harmattan, Paris, 2007.

– Pinson G., Enseigner l’histoire: un métier, des enjeux. Collège, Lycée, Hachette, Cedex, 2007.

– Rey B. et Staszewski M., Enseigner l’histoire aux adolescents. Démarches socio- constructivistes, Bruxelles, De Boeck, 2004.

– Skilbeck, M., La Réforme des programmes scolaires: où en sommes-nous? Paris, OCDE, 1990.

– Tshund’Olela E.S. et Kasereka, K., Introduction à la méthodologie de l’histoire au seconddegré, Lubumbashi, CERDAC, 1975.

– Tshund’Olela et al., Histoire du Congo. Des origines à demain, cours, Université de Kinshasa, 2004.

– Tutiaux-Guillon N. et Mousseau M-J., Les jeunes et l’histoire. Identités, valeurs, consciencehistorique, Paris, INRP, 1998.

– Yogolela, « Pour une nouvelle orientation de l’enseignement de l’histoire » in LIKUNDOLI, série C, Lubumbashi, 1977.

1 Cet article résume notre thèse de doctorat intitulée « L’enseignement de l’histoire à l’école secondaire en République démocratique du Congo. Intentions d’une Réforme et pratiques de terrain », défendue à l’ULB le 13 février 2012.

2 L’enseignement de l’histoire au secondaire en RDC fut, naguère, l’objet des plus sévères critiques qu’on ait adressées à une discipline scolaire. Ces critiques touchaient à la fois le contenu des matières ( plus de 70 % étaient centréess sur l’Europe Occidentale), les manuels scolaires utilisés (triplement inadaptés : d’abord à l’état actuel des connaissances ainsi qu’au niveau du développement de l’histoire, qui a connu, depuis le XXe siècle, un renouvellement complet ainsi que des mutations rapides, profondes et décisives sur tous les plans c’est-à-dire de la conception, des objectifs, de l’objet, de la méthodologie etc. ; ensuite aux réalités, aux besoins, aux préoccupations, aux idéaux et aux aspirations de la société contemporaine, particulièrement africaine et congolaise, dont les mutations ont été profondes et rapides au cours des dernières décennies, autant qu’à ceux des élèves eux-mêmes, citoyens et cadres de demain et inadaptés enfin, à la pédagogie moderne ainsi qu’aux nouvelles exigences didactiques) et la manière même de l’enseigner.

3 En principe, une année scolaire comprend au moins 35 semaines et chaque leçon se donne pendant au moins une période de 50 minutes.

4 Les auteurs citent Perrot, M., « Les finalités de l’enseignement de l’histoire », Colloque national sur l’histoire et son enseignement, 1984, pp. 43-46.

5 À cette date, le pays a été agressé par ses voisins burundais, ougandais et surtout rwandais. Ce dernier manifeste, depuis lors, des visées expansionnistes sur la RDC.

6 ENM de la Gombe située au cœur de la capitale était réservée aux filles depuis sa création (1961) jusqu’en 2005, année où l’accès a été accordé aussi aux garçons.

7 Institut Pédagogique National (IPN) a été transformé en Université Pédagogique Nationale en 2005.

8 Lors de la réforme de 1971, l’ENM de Boma et celle de Kimpese ont été fusionnées et deviendront l’ISP Banza-Ngungu.

9 À ce jour, ce nombre dépasse 60 à cause de la création anarchique orchestrée par certains acteurs politiques pour des fins purement électorales (voir à ce propos le discours du Ministre de l’Enseignement Supérieur, Universitaire et à la Recherche Scientifique à l’Assemblée Nationale le 28/12/2008).

10 La ville de Kinshasa seule comptait 732 professeurs (à thèse) sur un total de 1.202 qu’on a dénombré pour tout le pays en mai 2006.

11 Pour l’ensemble des ISP du pays, il y avait 150 professeurs détenteurs d’une thèse (13 %), les Universités en avaient 916 (76 %) et les Instituts Supérieurs Techniques 136 (11 %) au 30/05/2006.

12 Cette filière, comme celle d’Orientation Scolaire et Professionnelle, n’est organisée qu’à Kinshasa ; sans doute à cause de la difficulté de trouver des enseignants qualifiés dans ces domaines et pouvant enseigner en provinces. Même l’option Français-Latin n’est pas organisée par beaucoup d’ISP.

13 Cfr la Réforme de la Table Ronde des Universités du Congo au cinquantenaire de l’Université au Congo (1954-2004) qui a élaboré les nouveaux programmes des cours et non seulement modifié les intitulés de certains cours, voire de certaines filières, mais a créé de nouvelles options et rajouté de nouveaux cours.

14 LH= Licencié en histoire, LP=Licencié en philosophie et A1= Ingénieur technicien ; tous ces enseignants n’ont pas d’agrégation et sont donc considérés comme non qualifiés en enseignement de l’histoire.

15 On désigne, dans le jargon éducatif congolais, par D6, un diplômé des humanités pédagogiques et par PP6, un diplômé des humanités autres que pédagogiques.

16 Pour le régime de gestion : NC = Non conventionné, CC = Conventionné catholique, CP= Conventionné protestant, CK = Conventionné kimbanguiste, CI = Conventionné islamique et P = Privé.

17 Pour le diplôme : LAH = Licencié agrégé en histoire, GPAH = Gradué en pédagogie appliquée en histoire NC = Non qualifié (Licencié en français, Licencié en philosophie, Ingénieur technicien…)

18 Tous les points observés sont cotés sur 6. Ce chiffre est la somme des notations que les deux observateurs ont données lors de 10 visites de classe qui viennent d’être analysées. Au départ, pour chacun de ces aspects retenus, nous avions proposé une échelle à 4 degrés : chaque fois (3), souvent (2), parfois (1) et pas du tout (0) ou tous (3), presque tous (2), peu (1) et pas du tout (0). En faisant l’addition des cotes de deux observateurs, l’échelle passe de 4 (3, 2, 1,0) à 7 degrés (6, 5, 4, 3, 2, 1,0). Les 7 degrés du tableau ci-dessus sont : 6 = chaque fois ou tous, 5 = chaque fois et souvent ou tous et presque tous, 4 = souvent et presque tous, 3 = souvent et parfois ou presque tous et peu, 2 = parfois et peu, 1 = parfois et pas du tout ou peu et pas du tout, 0 = pas du tout

 

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