Histoire & Enseignement

l'Association Belge des Professeurs d’Histoire d’Expression Française

Une introduction interrogative

 Des jeunes professeurs pourraient s’imaginer parfois que rien d’ intéressant n’a été publié avant qu’ils n’aient été diplômés et, remontons plus loin encore, dans les années 1970 – 1980, c’est-à-dire, il y a longtemps, avant l’utilisation quotidienne d’internet. Ce que j’ai un jour entendu. Pourtant certains ont passé au siècle dernier des heures à éditer des documents qui pouvaient être utiles à l’enseignement de l’histoire.

Mais aussi une demande

Lors d’une réunion de l’Association, un collègue avait trouvé opportune que je rappelle des travaux réalisés par des professeurs qui en plus reprennent des documents « belges ». Soyons clair : je n’ai évidemment pas la prétention d’être exhaustif ni épuiser le sujet mais simplement de donner quelques pistes. Les ouvrages se retrouvent souvent dans les bibliothèques des écoles, sans doute oubliés sur un rayonnage ou dans une armoire …

Tout d’abord précisons : c’est quoi un document ?

Dans les années 1970 (eh oui cela remonte loin), un groupe d’enseignants de l’histoire s’étaient déjà posé la question et avaient élaboré une liste de types de documents possibles. Celle-ci est évidemment à revoir puisque nous ne pouvions prévoir à cette époque le développement rapide des technologies nouvelles : internet, les DVD, les reconstitutions 3D, les émissions (parfois remarquables) offertes par les chaînes historiques, etc. La réponse à la question posée dans le titre se retrouve dans la  « grille générale d’identification, d’analyse critique et d’interprétation des documents. Sources et travaux » mise au point par les collaborateurs du Centre de la pédagogie de l’histoire, Formation historique, vol. VIII, fascicule II, pages XII et XIII, , Sciences et lettres, Liège 1976, collection Formation historique.

Une méthodologie ?

 Nous sommes persuadés que partir du présent, de l’environnement des élèves, de l’actualité, pour se poser des questions sur le passé permet aux élèves de donner un sens au cours d’histoire. Illustrons notre propos par une séquence pédagogique qui a été réalisée par une collègue et ses élèves de l’Ecole normale de l’Etat de Mons intitulée « La résolution d’un problème historique né d’une exploitation du milieu ». Nous n’avons pas pu retrouver la date exacte du montage (des diapositives sonorisées) mais il doit avoir été réalisé dans les années 1970. L’application des 4 compétences y est déjà bien mise en évidence.

Une séquence pédagogique ?

 Un groupe d’élèves est emmené à la découverte du Borinage moribond socialement et économiquement. C’est l’époque des fermetures des mines, des occupations d’usines. Ensuite ils sont été menés sur le site du Grand Hornu. Celui-ci constitue le point de départ de la séquence pédagogique.

Étonnements et questions se succèdent. Ils observent tout. Ils interrogent les vestiges. Ils prennent des notes, photographient, s’enregistrent Après cette phase d’observation, ils retournent en classe afin de rechercher divers « documents » fournis par le professeur qui se rapportent au site et de les consulter : cartes postales, manuels, cartes géographiques et historiques (exemple la carte de Ferraris, vues aériennes d’époques différentes, textes d’auteurs (rappelons les lettres de Vincent VAN GOGH, un texte de Victor HUGO,..), des dessins, des gravures, des tableaux, des extraits de journaux, des études, …

A partir de cette documentation variée, les élèves retrouvent la fonction et le système d’exploitation du Grand Hornu mais aussi des caractéristiques de la révolution industrielle. Une ligne du temps permet de tout recadrer dans l’évolution chronologique. Ils mettent aussi l’accent sur certains aspects du travail dans les mines (travail des femmes, des enfants, …), les révoltes, etc. Et finalement, avec l’aide de leur professeur,  ils réalisent un montage de diapositives ainsi qu’une bande sonore qui reprend toute leur démarche et transfère leur apprentissage.

Telle est bien la diversité des documents que l’on peut trouver autour de nous. Ceux-ci sont loin de se résumer à des textes ou des images. Une autre piste : le musée de l’armée avait réalisé il y a quelques années une visite de certains monuments funéraires dans Bruxelles. Leur observation permet, à partir de questionnements, d’aborder toute une série de problématiques, par exemple liées aux deux guerres mondiales.

Une collection

Un archiviste des Archives générales du Royaume confiait alors que trop souvent des professeurs lui demandaient que soient publiés des actes importants pour l’histoire de la Belgique (exemple type : « la Joyeuse Entrée »). Il se demandait si le Ministère de l’Education nationale dont nous dépendions et les Archives ne pouvaient pas collaborer à la publication de documents inédits. De cette discussion est née la collection « Archives – Ecole » qui reprend des documents de différentes régions. Quelques titres : La ville de Huy et sa région (1981), la ville de Namur (1980), le Tournaisis (1982), Liège (1992), Verviers (2003). Entre tous ces volumes, il y eut celui consacré à Bruxelles pour lequel je cite la référence complète : un collectif de professeurs, l’Inspecteur BRUNEL, l’archiviste René LAURENT, Documents d’archives relatifs à Bruxelles, dossier pédagogique destiné à l’enseignement de l’histoire, Bruxelles 1983, édité par le Ministère de l’Education nationale (Direction générale des études) et les archives générales du royaume en collaboration avec la Commission française de la culture de l’Agglomération de Bruxelles. Les équipes étaient composées de professeurs d’histoire encadrés par l’Inspection et, bien sûr, d’archivistes de la région concernée.

Le dernier volume, qui vraisemblablement paraîtra sous peu, traitera du Luxembourg. Je n’en connais pas le titre exact. L’intérêt de ces ouvrages réside dans le fait que le choix des documents est celui de praticiens de l’enseignement de l’histoire, qui en ont aussi rédigé les commentaires.

Des manuels

 Citons d’abord la collection publiée chez « Sciences et Lettres ». une équipe de professeurs avait, sous la direction notamment de l’Inspecteur d’histoire René VAN SANBERGEN, entrepris de publier une collection de manuels d’histoire chez « Science et lettres ». Une condition avait été imposée aux auteurs : reprendre des documents de plus de 100 ans afin ne pas devoir payer des droits d’auteurs. Bien sûr cette règle est inenvisageable pour des périodes récentes.

Un manuel qui peut constituer un exemple : Jean LEFEVRE et Jean GEORGES, Les temps contemporains, Tome 1, 1815 – 1845, Tournai 1973, éd. Casterman. Cet ouvrage comprend un premier livre exposant la matière, un second présentant toute une série de documents avec des renvois au premier : Jean LEFEVRE et Jean GEORGES, Les Temps contemporains vus par leurs témoins, textes et documents (1776-1945), Tournai, 1974, éd. Casterman

Des fardes de documentation

 La maison d’édition « la Renaissance du livre » avait publié une collection de documents iconographiques de grande qualité sur les différentes époques de l’histoire de Belgique. Ils ont été rassemblés dans une série de 15 fardes. Les auteurs avaient rédigé des fascicules contenant des explications fort pertinentes. Quelques titres : farde 3 : «Le monde seigneurial «, fardes 7 et 8, « Les techniques du XVe au XXe siècle », farde 12 « Les régimes français et hollandais ».

Des cercles d’histoire et d’archéologie

Ici aussi partons d’un exemple concret. En vous promenant à Uccle, vous pouvez découvrir une plaque intrigante qui se trouve sur l’un des murs de l’Eglise Saint-Pierre : «  ici le Pape a rencontré Charlemagne en 803 ». Incroyable car l’église ne paraît pas si vieille. Et la question fuse immédiatement. Ces deux personnages sont-ils réellement passés par Uccle ? Un numéro de la Revue du Cercle d’histoire d’Uccle tente de répondre à cette interrogation sous la forme d’une véritable enquête dans Eric DE CRAYENCOUR, L’église Saint-Pierre à Uccle consacrée en 804 par le Pape Léon III ? la genèse d’une légende, pages 3 à 24, dans Ucclensia, septembre 2004, numéro 201, revue du cercle d’histoire, d’archéologie et de folklore d’Uccle et environs.

Nous insistons, puisque le point de départ était de retrouver des documents « belges », sur l’utilité de ces cercles locaux – extrêmement nombreux en Wallonie – pour l’enseignement de l’histoire « belge ». Malheureusement ils sont trop souvent ignorés par les professeurs d’histoire. Et pourtant leurs connaissances et leurs activités ne peuvent que profiter aux élèves pour mieux saisir les richesses patrimoniales de leur région. Ce sujet mériterait peut être un article.

Muséobus et musées – valises

A l’exemple d’expériences étrangères, une directrice du ministère du patrimoine de la Communauté nous avait proposé de participer à la fabrication d’une valise – musées sur l’Egypte d’hier et d’aujourd’hui et à la conception d’un muséobus. Une condition : les objets qui s’y retrouvaient devaient provenir des musées belges et inciter les professeurs à fréquenter ceux-ci. C’était aussi une manière d’amener les « musées » dans des établissements éloignés des grandes villes et d’apprendre aux enfants à respecter les objets du passé. Est-ce le cas ?

Pour se renseigner sur les valises en circulation et sur le muséobus, il suffit encore de s’adresser au Ministère de la Communauté française, service du patrimoine culturel. J’ai sous les yeux le petit dépliant intitulé « Si tu ne viens pas au musée, le musée viendra à toi ». Nous pouvons le faire parvenir à ceux qui le souhaitent. Il fournit tous les renseignements.

La première valise – musée intitulée « L’enfant égyptien hier et aujourd’hui » a ainsi été élaborée par une égyptologue, un professeur, un menuisier et une dessinatrice. L’équipe a dû résoudre toute une série de problèmes pratiques : concevoir une caisse en bois pouvant entrer dans une petite voiture de l’époque, la diviser en casiers, faire en sorte qu’aucun objet ne subisse le moindre dommage, réserver des compartiments pour les planches, les cartes, les lignes du temps, fabriquer des maquettes. Nous allions oublier de signaler que des fascicules écrits par d’éminents spécialistes reprennent les explications scientifiques les plus récentes concernant les sujets évoqués, notamment dans le muséobus. Quelques exemples : les Mérovingiens, Charlemagne, …

Impossible de citer ici toutes les publications pédagogiques publiées sous la forme de dossiers, de fascicules, de livres par nos musées et consacrées à des sujets de l’histoire de nos régions. Un seul conseil : vous adresser aux Services éducatifs des musées. De plus, certaines publications, écrites à l’occasion d’expositions temporaires, contiennent des explications scientifiques récentes qui permettent non seulement aux enseignants de se tenir au courant de la matière mais aussi d’éviter des erreurs qui peuvent émailler des manuels.

Une difficulté devait aussi être abordée : les leçons d’histoire à propos de l’Egypte s’arrêtent dans le meilleur des cas avec la conquête romaine et puis reprennent au degré supérieur avec l’actualité. Mais quand les Egyptiens ont-ils arrêté d’écrire en hiéroglyphes ? A quel moment l’Egypte est-elle devenue musulmane et dans quel contexte ? Bref, établir le lien entre l’Egypte antique et l’Egypte contemporaine et montrer que ce pays n’a pas disparu dans un trou noir entre ces deux périodes pour réapparaître aujourd’hui du néant.

Et le Ministère … à travers le temps

Des exemples. Un ouvrage important : Pol DEFOSSE et René VAN SANTBERGEN, La Révolution industrielle dans nos Régions 1750 – 1850, documents pour servir à l’Enseignement de l’Histoire, Bruxelles 1967 (collection chantier d’histoire vivante). Et un dossier étonnant : « L’Assistance publique en Belgique à travers les âges » publié par le Ministère de l’éducation nationale et de la culture en 1967.

Autres exemples : le dossier préparé par un collectif, « La Préhistoire et la Période Romaine, aux sources de la Dendre, L’Archéosite d’Aubechies-Beloeil, Frameries, 1991 ; Autre dossier collectif dont la cheville ouvrière est, cette fois, notre regretté collègue et ami, Maxime STEINBERG et auquel un groupe de professeurs ont collaboré activement : « Le Génocide juif, 1941-1944, 3è édition, Frameries, octobre 2005. La première édition date de 1994. Songeons aussi à un dossier collectif récent, publié par le Ministère, consacré à la Mésopotamie. Ici aussi nous avions tenu à évoquer l’histoire très riche de cette région dont l’aboutissement est l’Irak contemporain : « D’Hammurabi à Sadam Hussein ».

Le Centre d’autoformation et de formation de la Communauté française (Le CAF) et le Centre technique de Mons (CTM) ont aussi imprimé des fascicules fort intéressants : Citons comme exemples : l’introduction par Jean-Pierre DUCASTEL, « La condition sociale des ouvriers du pays d’Ath au XIXème siècle », Centre de documentation d’histoire Ath, coll. Dossiers documents, sans date. Fascicule rédigé par des professeurs de l’Athénée royal de Rösrath, « QUESTIONNAIRE de la visite de la ville de Cologne et du musée germano-romain », sans date. Dans un autre domaine, le dossier écrit par une équipe de professeurs ardennais « Les tombelles de la Tène I (470-250 av. J.C.) en Ardenne », Centre de documentation Bertrix, 1978.

Je le répète : je ne puis pas reprendre ici tous les dossiers publiés par ces équipes de collègues dans les années 1970 et suivantes. Je ne puis qu’encourager nos lecteurs de compléter ces listes. Il serait peut-être opportun de répéter ce qu’une équipe de collègues avait réussi à réaliser : une bibliographie commentée actualisée.

Des publications du service éducatif des Archives Générales du Royaume et des archives de l’Etat …

Nous ne résistons pas non plus à citer les publications du Service éducatif des Archives Générales du royaume. Deux titres comme exemples : « Les sorcières dans les Pays-Bas méridionaux (XVIe – XVIIe siècles), « La pauvreté dans nos régions du Moyen Age à nos jours ». Les Archives générales du Royaume ont publié bien d’autres titres. Où s’adresser ? Rue de Ruysbroeck, 2-10, 1000 Bruxelles.

Un ouvrage peu connu même dans les années 1970

Le Ministère des Affaires étrangères avaient eu l’excellente idée de publier une série de livres destinés aux Belges à l’étranger. Ouvrages ô combien intéressants. Signalons entre autres un ouvrage écrit par une équipe de professeurs d’histoire des communautés francophone et néerlandophone, sous la direction des Inspecteurs Th. MAES et R. VAN SANTBERGEN, Documents d’histoire de Belgique, Tome I, De la préhistoire à 1830, Bruxelles 1978, Ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, Textes et Documents, collection « Idées et Etudes », N° 314. Cet ouvrage contient un ensemble de documents commentés d’histoire de Belgique. Il a été supervisé par des historiens universitaires de renom.

Et encore des publications

 Un dossier publié par Archéolo-j, « Un collectif d’auteurs, la vie quotidienne dans les agglomérations de Gaule Belgique à l’époque romaine » collection Dossiers pédagogiques Gallia Belgica, Rixensart, 1989. Ce dossier se compose notamment d’une synthèse de nos connaissances, d’un recueil de textes antiques, de documents schématiques, de photos.

Des groupes de personnes intéressées par la vie quotidienne ont également publié des fascicules, citons comme exemples  les Equipes rurales de Rossignol, « La vie rurale vers 1900 (A Rossignol, province de Luxembourg) «,  publié par l’Institut Supérieur de culture ouvrière sous l’égide du Centre d’Information et d’Education Populaire et la Fondation Travail – Université, Rossignol, 1978 ; et le groupe Histoire collective, « La vie quotidienne à Bellefontaine et Lahage autrefois », Rossignol, juin 1981. Ces deux ouvrages contiennent surtout des enquêtes auprès des habitants, des photos d’anciens documents iconographiques, etc… Ces enquêtes peuvent être d’un grand intérêt pour nos collègues qui voudraient travailler – avec des documents de première main – sur l’évolution du monde rural en Wallonie.

J’arrête ici cette longue énumération qui voulait démontrer à nos jeunes collègues que les documents patrimoniaux de nos régions ont fait, au siècle passé, l’objet d’études historiques qui s’adressaient tant aux professeurs qu’aux élèves et que bon nombre de ces ouvrages étaient l’œuvre d’anciens collègues encouragés bien souvent par l’Inspection de l’époque.

 Leur héritage est toujours d’actualité.

 Aussi fais-je un souhait : que des lecteurs complètent cet article.

Freddy SCHANER, juin 2011.

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