Histoire & Enseignement

l'Association Belge des Professeurs d’Histoire d’Expression Française

En octobre 2013, nous avons eu la chance de visiter l’École d’éducation internationale de Laval (ÉÉIL), située au Nord de Montréal (Québec)[1].

Cette école propose un enseignement de qualité, innovant et ouvert sur le monde.

Nous avons pu rencontrer deux enseignantes sympathiques, dynamiques et passionnées par leur métier. Marie- Josée Marion (professeur d’Histoire-Géographie) et Lise Paradis (Professeur de Français). Cet article se base sur ces conversations.

Tout d’abord, il faut préciser que nous avons été accueillis chaleureusement par ces deux enseignantes et, de manière plus générale, au sein de l’école. La directrice a pris la peine de venir nous saluer. Les autres enseignants se sont montrés curieux et intéressés par notre présence.

Ensuite, le projet, l’organisation et le fonctionnement de cette école nous ont semblé très intéressants.

PROFIL DE L’ÉCOLE

L’École d’éducation internationale de Laval (ÉÉIL) travaille avec des adolescents, entre 12 et 17 ans. C’est donc plus ou moins l’équivalent de l’enseignement secondaire en Belgique. Après avoir passé cinq années dans l’école, les élèves se dirigent vers un collège d’enseignement général et professionnel (Cégep), qui constituera soit une préparation à l’université, soit une formation professionnelle qualifiante, ceci étant une particularité québécoise née de la vague de réformes provinciales dans les années 1960.

Les élèves de l’ÉÉIL sont sélectionnés. Ils doivent passer des examens, comme c’est aussi le cas au Québec pour entrer dans une école privée. Le but est de sélectionner les élèves les plus motivés, ayant déjà un bon niveau.

On a ensuite des classes avec lesquelles les enseignants travaillent beaucoup et avancent très vite.

La motivation est présente en permanence. Les groupes sont du même niveau et progressent au même rythme.

On pourrait donc reprocher à l’ÉÉIL d’être élitiste. Mais elle s’en défend. En effet, il s’agit d’un processus semblable à celui qui est pratiqué dans l’enseignement privé au Québec. Sauf qu’ici, il s’agit d’enseignement public. C’est-à-dire qu’une école comme celle-là permet à des enfants brillants mais pas forcément issus de milieux favorisés d’accéder à un enseignement d’aussi bonne qualité que dans les écoles privées réservées aux élites, socio-économiquement favorisées.

Plutôt que de parler d’élitisme, l’équipe de l’ÉÉIL défend plutôt l’idée d’excellence, au sens positif du terme.

L’ÉÉIL accorde beaucoup d’importance à l’ouverture sur le monde. La dimension internationale est au cœur du projet.

Au-delà de l’apprentissage de toute une série de notions, son but est également «  d’apprendre à apprendre ». Bref, de donner aux élèves une méthode de travail performante.

L’ouverture aux autres et au monde passe aussi par l’entourage direct de l’école. Ainsi, les élèves sont invités chaque année à réaliser au minimum 20 heures de bénévolat à proximité de l’école (œuvres caritatives, personnes âgées, bibliothèques, milieux défavorisés, école des devoirs, etc.). Cela leur permet de vivre des expériences enrichissantes, de se forger un caractère et des valeurs et surtout, d’être utile à la collectivité.

Le respect et le dialogue sont activement défendus au sein de l’école. Vis-à-vis des professeurs ou entre élèves, la violence n’a pas sa place à l’ÉÉIL.

Enfin, le développement durable est également promu dans cette école. Cantine bio, recyclage, économie d’énergie, etc. Tout est fait pour sensibiliser et éduquer les élèves aussi dans ce sens-là.

PROGRAMMES

Voyons un peu comment s’organise le programme en Histoire.

Tout d’abord, il faut savoir que le cours d’Histoire est associé au cours de Géographie. En classe, on alterne les chapitres (Histoire/Géographie).

En 1e année, le programme aborde la période qui va de la Préhistoire à la fin du Moyen –Âge (principalement en Europe et en Asie). A ce stade, il est encore assez peu question des civilisations amérindiennes.

En 2e année, on va de la période de l’Humanisme et de la Renaissance jusqu’à l’époque contemporaine.

En 1e et en 2e années, en géographie, le travail se fait par thèmes. Il s’agit souvent de parler du Québec et du Canada, en comparaison avec un autre pays.

En 3e et 4e années, les élèves travaillent essentiellement sur l’histoire du Québec. L’approche est d’abord chronologique et ensuite thématique.

Enfin, le cours de 5e année est centré sur l’histoire du XXe siècle et le monde contemporain.

Etant donné que le rythme de travail est soutenu, les enseignants ont beaucoup de travail à faire pour préparer leurs cours. Leurs expériences personnelles jouent aussi un rôle important (voyages, expositions, etc.).

Depuis la réforme provinciale de l’enseignement des années 1990, les programmes accordent évidemment beaucoup d’importance aux compétences.

La volonté est de développer les capacités d’analyse et de synthèse des élèves.

A titre indicatif, voici quelques unes des tâches que les élèves apprennent à effectuer avec précision :

–        Etablir des faits (à partir de document, avec une dimension critique évidemment)
–        Examiner des réalités sociales du présent et du passé
–        Situer dans le temps et dans l’espace
–        Caractériser une réalité historique (aspects sociaux, politiques, économiques, culturels, territoriaux, scientifiques)
–        Caractériser un territoire (éléments physiques, aménagements humains)
–        Établir des comparaisons
–        Déterminer des facteurs explicatifs et des conséquences
–        Déterminer des éléments de continuité et des changements
–        Mettre en relation des faits
–        Etablir des liens de causalité
–        Etc.

Au niveau des évaluations, on alterne entre évaluations classiques, basées sur les connaissances assimilées et évaluations plus innovantes, basées sur les compétences acquises.

Il faut aussi mentionner que le travail en équipe est fortement valorisé.

De manière générale et au-delà du cours d’histoire, un élément fort intéressant également, c’est la volonté de communication entre les différents cours, d’interdisciplinarité. On va par exemple envisager la Renaissance dans différents cours. Avec, en clôture de la séquence, une visite au Musée des Beaux- Arts de Montréal.

Voilà ce dont il sera question dans les différents cours :

–        Français. On parlera des grandes œuvres littéraires du Moyen Âge et de la Renaissance.
–        Musique. On étudiera la musique et le style de la Renaissance.
–        Mathématiques. On parlera des grands scientifiques de cette époque (Pascal, Descartes, etc.)

La visite au Musée des Beaux- Arts sera ponctuée de questions, de mises en perspectives liées aux différents éléments vus en classe.

Il faut également mentionner que l’éducation artistique (musique, théâtre, arts plastiques) et l’éducation aux médias sont valorisées à l’ÉÉIL Cela participe aussi de l’ouverture au monde.

Au cours des entretiens réalisés, nous avons également pu constater que les nouvelles technologies étaient exploitées intelligemment (ordinateurs en classe, recherches, relais internet pour les cours, etc.).

Au cours de français, l’accent est mis sur les stratégies de lecture, d’écriture, de communication orale et l’étude de la littérature. Par exemple, en classe de 1e, toute une séquence est consacrée aux récits de voyages. L’idée est de stimuler l’imaginaire des élèves en passant plusieurs leçons à explorer une région du monde (travail oral, écrit, etc.). L’éducation au théâtre est également au programme. Des pièces sont réalisées avec les élèves.

Une initiative particulièrement originale et constructive mérite ici d’être mentionnée. Toujours en 1e année, il s’agit d’une séquence intitulée « Un conte en cadeau ». A partir de dessins réalisés par des enfants de 7 ans, les élèves doivent imaginer et rédiger un conte. Le conte sera ensuite communiqué aux enfants. Cette initiative permet de développer les facultés d’observation et l’imaginaire des élèves. Mais il faut ensuite mobiliser des compétences dans le domaine de l’écriture, de la rédaction. Enfin, cet exercice permet la communication entre différentes classes, de différents niveaux, avec des enfants plus jeunes. Cela crée des contacts, de la cohésion.

Voilà donc un exercice qui comporte de nombreux aspects positifs.

VIE DES ENSEIGNANTS

Au Québec, il y a 180 jours de classe par an.

Pour une année scolaire, les enseignants participent à une vingtaine de journées pédagogiques.

Le contenu de ces journées est fixé par la direction, avec l’appui d’un comité consultatif.

Le calendrier est soumis au vote des enseignants.

Il faut également mentionner que les enseignants sont assez libres par rapport aux programmes.

Même si certains éléments sont imposés, étant donné que le climat est dynamique et constructif, les enseignants travaillent dans une atmosphère de confiance et de concertation.

Ils disposent également d’un bon salaire. A titre d’exemple, un professeur avec plus de 15 ans d’ancienneté gagne environ 75.000$ Canadiens /an (un peu plus de 50.000€).

Il y a également de bonnes possibilités d’aménagement de carrière.

En fonction de leur ancienneté, les enseignants peuvent aussi choisir le niveau d’enseignement auquel ils souhaitent travailler.

Au terme de cette visite, il nous semble qu’il y a là beaucoup d’éléments positifs.

Depuis le travail en classe jusqu’aux activités extra- scolaires, l’ensemble s’inscrit dans une dynamique progressiste, ambitieuse sans être exclusive, ouverte sur le monde et fondamentalement humaniste. A l’heure où de nombreuses écoles sont en difficulté, où le service public semble en recul un peu partout, une initiative et un projet comme celui défendu par l’ÉÉIL constitue certainement un exemple.

Un enseignement public ouvert et de qualité. Voilà un bel objectif à poursuivre.

[1]               Site internet : http://www2.cslaval.qc.ca/eeil/.

Categories: Ailleurs, Internationale

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