Histoire & Enseignement

l'Association Belge des Professeurs d’Histoire d’Expression Française

Opinion n°1:

LE REGARD CRITIQUE ( SEPTEMBRE 2013)

 

BOULANGE B., COLLE M., GRETRY C., JORISSENS D. et LECLERCQ D., Histoire – Jalons pour mieux comprendre – 3e/6e , De Boeck Education, 2013.

 

 

Un ouvrage de référence

 

Disons d’emblée que l’ ouvrage possède des qualités certaines. Il a sa place dans la bibliothèque de la classe d’histoire. Mais il ne s’agit pas  d’un manuel dans la mesure où il ne propose pas de séquences pédagogiques : nous avons affaire à un ouvrage de référence que les élèves peuvent consulter avec leur professeur pour obtenir une information sur la matière vue au cours d’histoire.

 

Sa présentation en cinq parties se veut originale : 1. «  GRAND ANGLE  Panorama de l’histoire du Monde de la préhistoire à nos jours » 2. « FOCUS Zoom sur un moment clé, un tournant dans l’histoire » (page 6)  3. « PATRIMOINE Témoignage matériel ou immatériel, reflet d’une époque, d’une culture » 4. REGARDS RETROSPECTIFS Interroger le passé pour comprendre une situation d’aujourd’hui »  5. « CONCEPTS Définition et évolution de 12 concepts découverts au fil de l’histoire. A consulter sans modération » (p.7).

 

 

 

Des critiques de fond

 

Le texte est là, sans appel. L’ouvrage ne suscite en aucune manière la discussion, ni la controverse, ni les mises au point, ni l’émission d’hypothèses. Il ne propose ni pistes ni méthode de recherche et ne fait que peu preuve d’esprit critique. Pas de mise à jour :il est loin de suivre les découvertes !  Les faits historiques  d’hier et d’aujourd’hui sont  souvent l’objet d’interprétations contradictoires, il y a aussi des zones d’ombre.

 

Voici quelques exemples d’imprécisions qui éclairent notre propos.

Nous lisons (p.12) que pour les historiens, la « préhistoire » désigne la période qui commence avec les premiers êtres humains et pour laquelle nous n’avons pas de documents écrits. Les auteurs la divisent en deux grandes étapes, le Paléolithique et le Néolithique, mais se sentent obligés d’en introduire une troisième, le Mésolithique (p.17). Où donc placer nos « ancêtres » les Celtes ? (p.32), puisque « les Celtes n’ont pas laissé de tradition écrite de leur propre histoire, les Celtes n’avaient pas d’écriture » ? Astérix est-il un « homme préhistorique » ? Cette définition de l’histoire basée sur l’écriture est un peu courte. Où classer les peuples dont l’histoire est orale et se transmet par les poètes, les griots, les raconteurs publics, les colporteurs et même de famille en famille ?

 

En comparant deux éditions du petit Robert distantes de quelques années, on voit , de plus, apparaître une nouvelle période – la Protohistoire – qui nous permet d’éviter de placer durant la préhistoire des hommes qui, comme les Celtes, sont les contemporains d’hommes « historiques » qu’ils côtoient . Petit détail : les «hominidés »  sont-ils des êtres humains, des sapiens sapiens,. comme dans la définition de la Préhistoire donnée par les auteurs de cet ouvrage ?

 

 

Quelques remarques au fil des pages

 

Tout d’abord, à propos des peuples nomades (p. 44). Dont il est encore dit que certains auteurs les appellent encore « barbares ». Quelle définition, d’ailleurs, donner à  ce dernier  mot ? Ils vivaient tous, selon les auteurs, à cheval, hommes, femmes et enfants. Certes, le cheval est un animal très important pour de nombreuses activités. Mais de là à ne jamais se lever de son dos … Pourquoi, en outre,  ne pas profiter de l’envisagement de ces peuples, par exemple, pour faire mention d’ une activité archéologique nouvelle qui aide les préhistoriens ou les historiens à confirmer ou infirmer leurs hypothèses : l’archéologie médicale dont les experts, comme dans les feuilletons policiers américains, fouillent notamment les tombes et étudient matériaux et ossements ?

 

Concernant le début du XXe siècle.  Pourquoi ne pas décrire (p. 230), en quelques mots, ce que furent les atrocités perpétrées au Congo  sous le règne de Léopold II ? Pourquoi (p. 236) ne pas contextualiser davantage la crise de 1929 ?  Cette crise est une des conséquences de la guerre 1914-18,  Les crises, et notamment la crise agricole aux Etats-Unis, débutent en fait dès 1919- 23. et amènent le krach de 1929.  Les fermiers furent notamment placés dans l’impossibilité  de rembourser les machines agricoles achetées à crédit. .Certains auteurs parlent de la fausse prospérité de la période de 1924 à 1929, alors que l’ouvrage affirme (p.236) « la célèbre prospérité américaine des années 20. Pour nous, il est important d’amener les élèves à la conscience des relations de cause à effet qui permettent d’interpréter l’évolution du Monde.    

 

Encore un petit problème (p. 330). N’y a-t-il pas confusion entre la région de Bruxelles –Capitale et Bruxelles ville,  la deuxième étant qualifiée  « d’arrondissement électoral (au même titre que le Brabant wallon et le Brabant flamand) et limitée aux 19 communes », alors que la ville de Bruxelles est l’une de ces 19 communes ?

 

Nous avons apprécié la partie « patrimoine ». Il aurait néanmoins peut-être été utile d’expliquer le choix des auteurs, de définir  ce qu’est le patrimoine, ce que veulent dire les mots « matériels » et « immatériels », et de renvoyer les élèves vers d’autres sources documentaires .car peu d’entre eux auront un jour l’occasion de voir de près les chefs- d’œuvre présentés. Proposer aux élèves de se lancer dans une recherche qui valorise le patrimoine matériel et immatériel de leur région afin qu’ils en reconnaissent l’importance et apprennent ainsi à le respecter et le protéger. Nous aurions aimé aussi qu’à côté du jeans, il y ait une prise en considération des moyens modernes de communication. Comment faisait-on pour communiquer avant l’invention du smartphone ? Pourquoi ne pas rappeler l’existence de certains musées en Belgique pour ceux qui ne pourront jamais visiter tous les lieux de patrimoine cités dans le livre ?

 

Une constatation encore, il y a trop de documents, dont des photos, sans explication. Les caricatures disséminées dans l’ouvrage sont difficilement compréhensibles par les élèves sans une explication. Un exemple : la caricature de Kroll page 316.

 

Quant aux « regards rétrospectifs », ils constituent une piste intéressante. Mais, aux questions posées par les auteurs, la recherche de la solution  se résume à lire les conclusions consignées dans le manuel. Il n’y a pas de réelle recherche qui soit effectuée par les élèves.

 

Enfin, dans la partie « Concepts » (qu’est-ce, d’ailleurs, qu’un concept pour des élèves ?), certaines définitions nous semblent trop succinctes. Prenons un exemple, page 364, les auteurs distinguent deux types de systèmes coloniaux,  les empires maritimes et commerciaux et les colonies de peuplement. Ne peut-on pas parler aussi de colonies d’exploitation dans lesquelles il n’y avait pas nécessairement de peuplement.  (voir,  page 365). Pourquoi aussi ne pas insister sur le fait que la colonisation fut longtemps une spécialité européenne ?  Ce silence sur notre conception historique des relations entre les peuples n’est-il pas un problème de fond ? 

 

 

Le souci des élèves et des collègues

 

Une autre raison d’affirmer que cet ouvrage n’est pas destiné aux élèves livrés à eux-mêmes : utilisant une langue très savante, le texte exige trop de prérequis, rien qu’au niveau du français. Nous émettons la même critique concernant les matières exposées qui, telles quelles, restent hors de portée des adolescents.

 

Quant aux collègues, ils y trouveront une aide précieuse en lecture de A à Z, mais ils mettrons du temps à repérer un point de matière précis. Et ils chercheront en vain la bibliographie qui leur permettrait de retourner, au cours de leurs préparations de leçon ou en classe, vers les sources qui accréditent les exposés des auteurs.

 

 

En conclusion

 

Il s’agit d’un ouvrage de référence attirant et intéressant, mais inaccompli et inadapté aux classes. A ne pas faire utiliser par les élèves sans le soutien de leurs professeurs. Il exige de ces derniers de très solides connaissances des matières, un souci constant d’actualisation de leur savoir et beaucoup d’esprit critique. Terminons en précisant que la présente critique n’engage que son auteur.

 

 

Freddy SCHANER.

 

 

Opinion n°2:

Bruno BOULANGÉ, Marcella COLLE, Cécile GRÉTRY, Donatien JORISSENS, Danielle LECLERCQ, Histoire 3e/ 6e – Jalons pour mieux comprendre, De Boeck, Bruxelles, 2013

 

Le nouveau manuel «Histoire 3e/ 6e – Jalons pour mieux comprendre » publié par les éditions de Boeck tout récemment dispose de toute une série d’atouts.

En effet, il rassemble une somme importante de connaissances qui seront bien utiles en classe.

Il est divisé en 5 parties.

Les 3 premières parties sont organisées en parallèle.  Il s’agit d’une approche chronologique. 

La première partie, intitulée « Grand Angle » propose un « Panorama de l’histoire du monde, de la préhistoire à nos jours ».  C’est la partie la plus vaste de ce manuel.  Cette partie sera très utile pour rassembler des informations en vue de proposer aux élèves des éléments généraux concernant les différentes époques envisagées.

La deuxième partie, intitulée « Focus », propose un « Zoom sur un moment clé, un tournant de l’histoire ».  Cette partie, très intéressante également, permettra d’aborder en classe l’un ou l’autre sujet en allant plus dans les détails.  Par exemple, pour la Préhistoire, on trouvera une synthèse sur le Néolithique.  Pour l’époque contemporaine, sur la révolution industrielle en Belgique.

Enfin, la troisième partie, intitulée « Patrimoine », propose des exemples de « témoignages matériels ou immatériels, reflet d’une époque, d’une culture ».  C’est l’occasion, à partir d’un élément bien précis, de se pencher d’une autre manière sur les différentes époques abordées au cours.  Par exemple, pour l’Antiquité, on trouvera une double page sur le Parthénon à Athènes.  Ou alors, pour les Temps Modernes, on aura par exemple des informations sur le Templo Mayor, à Mexico.  Cette approche originale permettra sans aucun doute d’enrichir le cours.

La quatrième partie, intitulée « Regards rétrospectifs », se propose d’ « interroger le passé pour comprendre une situation d’aujourd’hui ».  L’idée consiste, à partir de problématiques actuelles, de se pencher rapidement sur l’histoire afin d’agrémenter une réflexion d’ensemble.  Cette partie constituera également un apport non négligeable en classe.  Le lien avec le présent étant évidemment essentiel.  D’une part pour atteindre les objectifs fixés par le programme.  D’autre part, pour  que même les élèves qui ne sont pas très intéressés par l’histoire puissent aussi apprécier le cours.  Il s’agit vraiment là d’une bonne idée, d’un réel atout pour ce manuel.

Enfin, la cinquième partie, intitulée « Concepts » propose 12 fiches, reprenant les concepts essentiels prévus par le programme en Histoire (capitalisme, citoyenneté, colonisation et migration, démocratie, développement et sous-développement, fédéralisme, impérialisme, libéralisme, mondialisation, nationalisme, socialisme, stratifications sociales).  A chaque fois, on dispose d’une double page. D’une part, on dispose d’une présentation schématique et synthétique du concept envisagé et, en regard, on dispose d’informations plus complètes sur le sujet. Les liens qui peuvent exister entre les différents concepts sont également mentionnés. Cette partie, bien organisée, sera également fort pratique pour l’enseignant.

Globalement, on a là un outil pratique et vraiment bien fait.  A priori, le professeur pourra y trouver de nombreux éléments qui lui permettront de préparer son cours.  Cet ouvrage peut incontestablement servir de base.  Evidemment, il s’agit d’un ouvrage de synthèse.  On ne peut pas tout lui demander…

On ne trouvera que très peu de documents.  Pour ce faire, il vaut mieux utiliser les manuels Futurhist, très riches à ce niveau-là.  Pratiques à utiliser en classe.  Beaucoup plus propices à la construction des savoirs, à la confrontation de points de vue contradictoires.

Mais un ouvrage de synthèse de ce type manquait dans le paysage belge francophone de l’enseignement de l’histoire.  Il s’agit vraiment d’un outil de grande qualité qui sera certainement accueilli avec beaucoup d’enthousiasme dans les salles des professeurs.

Olivier Blairon

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