Histoire & Enseignement

l'Association Belge des Professeurs d’Histoire d’Expression Française

Petite salle de concert du quartier branché d’Hongdae, à Séoul, le Rolling Hall fait salle comble. Le chanteur Lee Seung-hwan et le journaliste d’investigation Choo Chin-woo, figures de l’opposition à la présidente conservatrice Park Geun-hye, y ont invité, mercredi 4 novembre, plusieurs groupes de la scène indie, dont 10cm, Pia ou Garion, pour protester contre la décision du gouvernement de rédiger lui-même les livres d’histoire du primaire et du secondaire.

Finalisée le 3 novembre, la mesure a soulevé une vague de protestations. « C’est un acte dictatorial pur et simple, a réagi Moon Jae-in, le dirigeant de la Nouvelle Alliance politique pour la démocratie (NAPD, opposition). Aucune démocratie du monde ne fonctionne de la sorte. » La NAPD a annoncé, le 8 novembre, le dépôt d’un projet de loi pour interdire à l’Etat d’écrire les livres d’histoire. « Le texte, a expliqué Choi Jae-cheon, président de la commission politique du parti, affirmera l’importance de la démocratie et de la diversité dans l’enseignement de l’histoire. »

Dans la perspective des législatives de 2016, la NAPD a trouvé un angle d’attaque contre une administration qui reste relativement populaire. 49 % de la population s’oppose au projet sur les livres d’histoire, selon un sondage réalisé fin octobre par l’institut Gallup, contre 36 % qui y sont favorables.

Les enseignants d’histoire restent aussi très hostiles au projet. Au point que l’Institut national sur l’histoire coréenne, chargé de la rédaction des nouveaux manuels pour la rentrée 2017, peine à réunir les trente-six auteurs requis.

« Glorifier la présidence de son père »

Le choix du gouvernement est perçu comme un retour en arrière. Park Chung-hee, président dictateur de 1961 à 1979 et père de Mme Park, avait pris une décision similaire en 1973. Après plusieurs réformes, ce système avait été définitivement abandonné en 2010. Depuis, les enseignants pouvaient choisir entre huit ouvrages simplement approuvés par le gouvernement.

Or l’administration de Mme Park les trouve trop « à gauche », voire ostensiblement « pro Nord-Coréens ». Le camp conservateur critique notamment la présentation de la guerre de Corée (1950-1953) ou de l’idéologie nord-coréenne « le Juche ». « Nous ne pouvons pas enseigner à nos enfants une histoire biaisée », a déclaré le premier ministre Hwang Kyo-ahn. Pour Park Geun-hye, il s’agit « d’instiller aux futures générations la fierté de leur pays ».

« Mme Park veut simplement glorifier la présidence de son père », redoute un étudiant en droit rencontré lors d’une manifestation. De fait, la présidente n’a jamais caché son ambition de restaurer l’image paternelle.

« Il est même possible qu’elle veuille donner une image moins négative de la colonisation japonaise [1910-1945], observe Kyu, chanteur du groupe Tatles participant au concert du Rolling Hall. Plusieurs dirigeants de chaebol [conglomérat] ont commencé leurs activités du temps de la colonisation, et le père de Mme Park était officier de l’armée nippone. »
Philippe Mesmer – Le Monde – 10/11/2015

Article Corée du Sud

Categories: Débats, Internationale

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