Histoire & Enseignement

l'Association Belge des Professeurs d’Histoire d’Expression Française

LA MOTIVATION DES ELEVES DU SECONDAIRE A L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE DANS LES ECOLES DE LA VILLE DE KANANGA. Par les Professeurs Ekanga Lokoka Lambert et Tukanda Manya Daniel(1).

Préambule

Depuis un certain temps, et cela en dépit du changement de l’intitulé du département d’histoire dans les Instituts Supérieurs Pédagogiques (ISP) suite à la Réforme de l’enseignement en 2005(2), le nombre d’étudiants inscrits dans ce département ne cesse de décroitre(3). Et même parmi les finalistes (gradués et licenciés) de ce département, bon nombre n’hésitent pas à « jeter l’éponge » en vue de « chercher la vie » dans d’autres domaines que celui qui leur est destiné par leur formation. Cette tendance est de nature à compromettre l’avenir scolaire d’une discipline dite d’éveil et de culture générale (histoire) dans un pays où la diversité culturelle, la position géographique(4), les sécessions, les rébellions, les guerres d’agression… ne sont pas de nature à favoriser l’unité nationale.

Face à ce danger de pénurie d’enseignants d’histoire qui se profile, nous avons quelques interrogations : qu’est ce que la motivation ? Et la motivation en contexte scolaire ? Peut-on parler de la motivation de l’enseignant en contexte scolaire ? Les jeunes sont-ils motivés à l’enseignement de d’histoire ? Les finalistes du secondaire comptent-ils devenir enseignants d’histoire ou historiens ? Qu’est-ce qui motive le choix de leurs études supérieures ou universitaires ? Cet article se propose de répondre à ces quelques interrogations.

1. De la définition du concept « motivation »

Beaucoup d’auteurs et plus spécialement des psychologues ont tenté de définir la motivation. On peut citer Vallerand et Thill (1993:18) qui mettent en évidence le fait que « le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement ».
Pour Colet et Lanarès (2013), la motivation est liée aux conséquences de l’action, aux besoins, à la compétence de l’individu ainsi qu’à la valeur que celui-ci accorde à la tâche à exécuter.
De l’analyse de nombreuses définitions sur la motivation, il ressort certaines caractéristiques principales qui nous paraissent utiles d’être signalées ici :
– la motivation renvoie toujours à la force motrice qui stimule et donne son énergie à
un comportement ;
– toute motivation est orientée vers un objectif, une direction; elle se réfère alors au(x)
but(s) qu’une personne cherche à atteindre ou à éviter;
– la motivation est caractérisée par son intensité : un individu peut ainsi avoir plusieurs
motivations qui s’offrent à lui, seule la plus intense le fera effectivement bouger et agir.
De toute évidence, la motivation peut être conçue comme étant une force motrice qui donne son énergie à un comportement et les deux éléments qui la constituent sont : d’une part, son objectif, sa direction ou son but et, d’autre part, son intensité.

2. La motivation de l’élève en contexte scolaire

Tous les enseignants et les chercheurs sont unanimes pour accorder à la motivation un rôle fondamental dans le processus d’apprentissage, mais il apparaît difficile de la définir et d’agir pour la conforter. Beaucoup de chercheurs considèrent la motivation comme un processus dynamique. Comme le souligne Viau (2003 : 22) : « La motivation en contexte scolaire est un élément essentiel à considérer dans l’explication du comportement des élèves au cours de l’apprentissage ».
Pirot (1995) cité par Wolfs (1998 : 47) définit, du point de vue pédagogique, la motivation comme étant : « Le fruit des interactions qui se nouent entre le vouloir de l’élève (motivations, attitudes affectives), son pouvoir (aptitudes intellectuelles) et le support social (respect, attention et confiance) ».
D’une manière générale, la motivation dans l’apprentissage découle de la relation qui s’établit entre l’élève, l’enseignant et la matière, mais aussi de nombreuses variables extérieures à cette relation triangulaire. Nous citerons les cinq variables ci-dessous :
– variables relatives à l’apprenant (âge, sexe, milieu social, capacités intellectuelles, attitudes,
valeurs, connaissances antérieures, etc.) ;
– variables relatives à l’institution (mandat, but, valeurs, culture, ressources humaines et
financières, etc.) ;
– variables relatives à la famille (valeurs, situation financière, culture, etc.) ;
– variables relatives à la société (lois, valeurs, culture, système politique, projet social, etc.) ;
– variables relatives à l’enseignant (connaissances, formation, attitudes, valeurs,
milieu social, âge, sexe, etc.).
Abondant dans le même sens, Foulin et Toczek (2006) mettent en évidence quatre facteurs que nous prenons à notre compte et qui sont à la base de la motivation ou de la démotivation dans l’apprentissage scolaire : la perception que l’élève a de sa compétence à accomplir l’activité ; l’autodétermination ; la perception de la valeur que l’élève accorde à la discipline et sa perception de contrôlabilité, c’est-à-dire le niveau de contrôle qu’il a sur ses apprentissages et sur ses performances.
Il est aussi vrai que dans la dynamique motivationnelle de l’élève, il y a d’autres facteurs externes qu’il convient de considérer, il s’agit de :
– facteurs relatifs à la classe (activités pédagogiques, modes d’évaluation utilisés par
l’enseignant, système de récompenses et sanctions utilisées, climat de
collaboration, etc.) ;
– facteurs relatifs à l’école (règlements, horaires…) ;
– facteurs relatifs à la vie de l’élève (famille, amis, travail d’appoint, etc.) ;
– facteurs relatifs à la société (valeurs, lois, culture…).
De ces quatre facteurs précités, ce sont les facteurs relatifs à la classe qui nous intéressent le plus. Car, ceux-ci ont une influence directe sur la dynamique motivationnelle de l’élève (Gauthier et al. 1999). Cependant, pour beaucoup de chercheurs, ce sont les facteurs relatifs à l’enseignant qui seraient les plus importants. Dans le processus de l’enseignement, écrit Viau (2004 : 10), « le niveau de compétence de l’enseignant, sa motivation à enseigner, ses conceptions de l’apprentissage et d’autres traits qui le caractérisent peuvent favoriser ou nuire à la motivation de ses élèves ».
Il ressort de tout ce qui est dit sur la motivation de l’élève que l’enseignant est l’acteur principal en contexte scolaire ; son rôle est primordial dans toute situation d’apprentissage car il opère plus spécifiquement et plus directement sur la dynamique motivationnelle de l’élève étant entendu que cette dernière constitue le point crucial de toute situation d’enseignement.

3. La motivation de l’enseignant en contexte scolaire

Comme nous l’avons souligné précédemment, le rôle de l’enseignant est tout à fait essentiel car il demeure la pierre angulaire de l’environnement pédagogique étant entendu que la motivation qui l’anime peut contribuer de façon déterminante à créer les conditions d’une relation pédagogique favorable à l’apprentissage.
La dynamique motivationnelle de l’enseignant, comme celle de l’élève, estime Viau (2003), est déterminée par toute une série de perceptions dont trois principales :
– la perception qu’a l’enseignant de la valeur de la matière qu’il enseigne ;
– la perception qu’a l’enseignant de sa capacité à donner cours comme il le désire ;
– la perception qu’a l’enseignant de la contrôlabilité de l’impact et des résultats de son
enseignement.

Il est nécessaire que l’enseignant et l’élève puissent « retrouver » la motivation. A cet égard, il faudrait que l’enseignant puisse être soutenu à deux moments, lors de sa formation et durant sa pratique. En outre, l’élève devrait se sentir soutenu par l’enseignant et avoir de bonnes perceptions de la valeur de l’activité et de ses capacités. Mais qu’en est-il de la motivation des élèves au cours d’histoire ? Nous allons tenter de répondre à cette question dans les lignes qui suivent.

4. De la motivation des élèves au cours d’histoire

Selon Sabbagh (2009), pour chercher à motiver les élèves au cours d’histoire, on peut se poser quelques questions : à quoi sert l’histoire ? Par exemple, pour des jeunes, l’histoire peut leur paraître inintéressante : il y a trop de dates et de noms, à savoir par cœur, cela paraît dépassé, et très loin de leur vie… Pourtant l’histoire est partout, elle explique notre vie actuelle.

A la différence de l’élève qui est amené à se mobiliser sur les activités d’apprentissage en histoire, l’enseignant a pour mission la mise en activité. Autrement dit, la création des conditions pédagogiques et interactionnelles en vue de mobiliser intellectuellement les élèves sur des contenus historiques. Mais, dans la pratique, on observe plutôt le contraire en classe d’histoire. On devient très souvent enseignant d’histoire parce qu’on aime l’histoire et qu’on souhaite partager ce goût avec les élèves. Or, de graves déconvenues peuvent attendre les jeunes professeurs s’ils restent sur cette approche de leur métier. Etre passionné par l’histoire et avoir envie de faire partager cette passion sont des conditions préalables et nécessaires à l’enseignement, mais de nos jours cela ne suffit pas.
Dès lors, la tâche de l’enseignant d’histoire est devenue particulièrement complexe au cours des dernières décennies. Pinson (2007 : 8) considère au moins trois bonnes raisons pour lesquelles le travail du professeur d’histoire est en pleine mutation aujourd’hui.
La raison majeure est à rechercher du côté de la demande sociale. En effet, la société d’aujourd’hui a besoin d’histoire pour faire face à des interrogations qui la traversent régulièrement. En France, par exemple, l’année 2005 a été particulièrement riche en ce domaine en raison de polémiques sur la colonisation, sur son histoire et son bilan à la suite du vote de la loi du 23 février 2005. Cette loi a révélé un certain malaise autour de ces questions. Les débats entre hommes politiques, représentants d’associations diverses, largement relayés par les médias se sont traduits par une forte demande d’explications à laquelle durent se soumettre les historiens et, par voie de conséquence, les professeurs d’histoire dans leurs classes. En Belgique aussi, les débats parlementaires de l’année 2000 sur l’assassinat du héros de l’indépendance congolaise, P. Lumumba, ont occasionné l’intervention des historiens et des enseignants d’histoire dans leurs classes. Ces deux cas ne sont pas isolés, les professeurs d’histoire sont régulièrement convoqués lorsque des mémoires se confrontent ou s’affrontent ou lorsque se produit l’inattendu, l’imprévisible angoissant comme ce fut le cas le 11 septembre 2001 avec l’attentat historique du World Trade Center à New York.
La deuxième raison des mutations vient de l’institution elle-même. Lorsque, par exemple, le ministère de l’Education nationale accroît ses exigences quantitatives et qualitatives par le biais de nouveaux programmes et d’instructions officielles.
La troisième raison est que le métier d’enseignant d’histoire change parce que les élèves changent aussi. Il ne s’agit pas là d’enfoncer des portes ouvertes sur la succession des générations, mais d’envisager le rapport à l’histoire qu’entretiennent les élèves de nos jours. La connaissance historique n’est plus diffusée aujourd’hui seulement dans le cours d’histoire, mais dans bien d’autres lieux de diffusion des savoirs tels que les cinémas, les documentaires et films télévisés qui véhiculent un discours historique et construisent des savoirs. Les mémoires collectives produisent également des discours historiques éventuellement contradictoires que les élèves peuvent partager en raison de leur attachement à une communauté. En définitive, le professeur d’histoire n’est plus le seul maître du discours historique, il doit le partager avec d’autres sources (cinéma, télévision, internet…), tout en tenant compte du fait que les discours véhiculés sont parfois antagonistes ou mal assurés et il faudra les travailler avec les élèves.
Au sujet des canaux de diffusion des savoirs historiques dans le contexte congolais, il convient de noter que dans ce pays, le plus large public scolaire n’est pas encore touché par l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui envahissent le monde depuis plusieurs décennies. L’enseignant en classe d’histoire continue à jouer au Congo le rôle central.
Les élèves- même s’ils ne sont pas les seuls- assistent aujourd’hui sans comprendre au grand spectacle du monde en marche, auquel l’enseignant doit donner sens.
Si enseigner n’est pas seulement savoir quelque chose qu’on expose aux élèves, mais « intervenir » dans le processus d’apprentissage d’élèves qui acceptent de se soumettre à cette intervention, le rôle de l’enseignant en histoire implique des interventions appropriées à chacun des moments de l’apprentissage, c’est-à-dire avant, pendant et après, de façon à activer le processus d’attention des élèves, à susciter et supporter leur démarche d’apprentissage et à les rendre de plus en plus conscients de leurs processus cognitifs. Il est aussi vrai que plus les élèves ont des moyens, des procédures ou des techniques pour réaliser les tâches qui leur sont présentées, plus leur motivation est grande pour l’accomplir ; dans la mesure où ils ont davantage de contrôle sur leur méthode de travail. Plus ils savent comment faire, plus ils ressentent le plaisir d’apprendre.
D’autre part, il est établi qu’apprendre, c’est relier de nouvelles informations à des connaissances antérieures. Cette mise en relation est facilitée par la motivation qui, entre autres, dépend beaucoup du fait de donner du sens à la tâche pour l’apprenant. Comme tout autre savoir, les conceptions des élèves à propos du passé sont constituées des connaissances antérieures qui les prédisposent positivement ou négativement à l’apprentissage du mode de pensée historique. Ainsi, les connaissances historiques doivent faire l’objet de considérations particulières de la part de l’enseignant d’histoire dans la préparation et la gestion des situations d’apprentissage proposées, puisque ce sont des facteurs de motivation et de capacité d’attention de la part des élèves en classe d’histoire.
Dans la foulée, cherchant à savoir ce qui peut motiver les élèves à l’étude de l’histoire, Rey et Staszewski (2004 :213-220) insistent sur le fait que l’expérience quotidienne fait éprouver combien il est difficile d’engager les adolescents dans l’étude du passé. Pourtant, cette étude est directement utile à la pratique citoyenne. Pourquoi cela ne suffirait-il pas à susciter, chez les élèves, un engouement pour l’histoire ? A défaut, qu’est-il possible de faire ?
Ce qui frappe avant toute chose, selon J-P. Abgrall (2012 : 90), c’est la somme d’événements qu’il faut retenir pour un cours ; doit-on tout apprendre ? Et encore, il manque la lecture des différents documents d’accompagnement du livre, le discours de l’enseignant qui enrichit et éclaire ce cours. Aussi, même s’il ne s’agit que de 50 voire 45 minutes, l’ensemble d’un chapitre peut comprendre plusieurs pages de cahier au secondaire. De plus, le vocabulaire est riche. Devant tant d’informations à apprendre « par cœur », beaucoup d’élèves se découragent et reportent au dernier moment, donc à la veille du contrôle (interrogation), leurs révisions. Les enseignants d’histoire comprennent bien la difficulté et cherchent souvent à soulager, de diverses manières, le travail de l’élève.
Malgré cela, le travail d’apprentissage de ce cours reste très lourd pour beaucoup d’élèves, alors que faire pour les aider ? La difficulté majeure reste dans la quantité. Beaucoup d’élèves pensent que le fait de retenir le plus de choses possible leur permettra d’en mémoriser un maximum et donc de répondre à plus de questions. Ce qui est une erreur.
La question de motivation à l’étude de l’histoire est un fait bien connu : les élèves ne s’intéressent en général pas spontanément aux disciplines scolaires. Rien d’anormal à cela : s’ils avaient par eux-mêmes et sans intervention extérieure l’envie d’étudier les mathématiques, le français, la biologie, etc., ils trouveraient facilement la documentation nécessaire et il n’y aurait pas besoin de structure scolaire. L’école est précisément là pour aider à construire les savoirs qui ne font pas l’objet d’un désir spontané. L’histoire en fait partie au même titre que les autres disciplines scolaires. Mais, elle présente en outre un caractère qui provoque chez beaucoup d’élèves d’importantes résistances : c’est le fait qu’elle prend comme objet l’étude de ce qui est révolu. Si l’on excepte quelques personnalités d’emblée passionnées par cette discipline et les rares individus politisés qui se mobilisent d’eux-mêmes sur les problèmes politiques et sociaux du XXI e siècle, la majorité des élèves ne voit guère l’intérêt de porter attention au passé : « A quoi sert ce que vous nous faites apprendre ? », « Nous, les jeunes, nous nous intéressons à l’avenir » etc. Age des ruptures avec les parents et de la contestation des adultes, l’adolescence est une période où la remise en cause du monde tel qu’il est peut aisément prendre la forme d’un refus de s’intéresser à ce qui a été.
Rey et Staszewski (2004) pensent que la connaissance du passé que l’enseignement actuel de l’histoire – quelle que soit la méthode utilisée – cherche à « inculquer » à l’élève, reste identique et passe par les mêmes nécessités érigées en principes absolus, par l’Education nationale. Le premier de ces principes est que l’histoire est une discipline fondée sur les sacro-saints principes d’objectivité et de causalité. Le second – qui découle du premier – est le respect du déroulement (chrono) logique du cursus historique.
Dans ces conditions, le (dis)cours du professeur sur l’histoire est bien le discours de la soumission des jeunes à un passé qui les dépasse, qui les écrase et les nie en tant qu’individus doués de curiosité et membres à part entière de cette histoire. On peut donc noter qu’au-delà des bonnes intentions des discours officiels, les cours d’histoire voire de géographie sont bien dans l’immense majorité des cas, l’un des lieux privilégiés de l’éducation au fatalisme et à la démission, individuelle et collective (ICEM, 1984).
A la lumière de ces considérations, concernant la vision du cours d’histoire par les jeunes, on notera que la nature et l’utilité de l’histoire, et peut-être même plus que les conditions de son apprentissage, méritent beaucoup plus d’attention. Pour le dire autrement, l’enseignant d’histoire devrait diversifier les stratégies de motivation des jeunes à son cours, car pour Rey et Staszewski, ce n’est pas cette utilité sociale qui suffira à motiver les élèves à apprendre l’histoire. Mais il s’agit là d’une motivation qui leur est étrangère. La recherche des origines et de ses propres racines constitue un moteur plus efficace, quoique non exempt de risques de mésinterprétation. Néanmoins, si l’enseignement de l’histoire donne envie de savoir, il ne donne pas toujours envie d’apprendre. Ce que l’enseignant d’histoire doit susciter concrètement dans sa classe, c’est un engagement des élèves dans les tâches auxquelles il les invite. Encore faut-il que ces tâches aient un but.
C’est donc cet engagement des élèves aux tâches auxquelles on les invite et qui se manifestent par le jeu de participation active, qui leur donnent le goût de la lecture en vue de mieux s’acquitter de leur rôle et qui leur épargnent des conduites passives telles que la tendance à mémoriser la matière, des sorties ou des interventions pour abuser du temps de l’enseignant…
Notons enfin, pour boucler ce développement sur la motivation au cours d’histoire, que beaucoup d’auteurs (Boyzon-Fradet, 1998 ; Van Der Rest et al, 2001…) affirment que l’utilisation des supports didactiques et principalement du manuel scolaire permet une certaine forme de motivation. Celle-ci va au-delà du cours oral qui caractérise d’ailleurs encore l’enseignement de l’histoire dans beaucoup de pays, dont la RDC.

5. Approche méthodologique et résultats de cette étude

5.1. Approche méthodologique

Notre principale préoccupation dans cette étude est de savoir si les élèves du secondaire, en RDC, sont motivés à l’enseignement de l’histoire et, par ricochet, envisagent de devenir, après leur formation supérieure ou universitaire, enseignants de cette discipline. Pour y arriver, nous avons récolté, à l’aide d’un questionnaire qu’on trouvera en annexe, des informations auprès des élèves de 5e et 6e de quelques écoles.

5.1.1. Echantillon
Pour administrer notre questionnaire, nous avons choisi, de façon aléatoire, vingt-quatre écoles secondaires de la ville de Kananga, en province du Kasaï-Occidental. Il convient de préciser que notre choix n’a pas tenu compte à régime de gestion de l’école. Le tableau ci-dessous présente la répartition des élèves concernés par cette étude selon leur section et sexe :
Tableau n° 1 : Répartition de l’échantillon de l’étude

Section

Classe de 5e

Classe de 6e

Filles

Garçons

Total

Pédagogique

06

16

08

14

22

Littéraire

10

12

14

08

22

Scientifique
bio-chimie

10

12

12

10

22

Scientifique

math-physique

10

12

12

10

22

Informatique

02

04

03

03

06

Commerciale-administrative

10

12

16

06

22

Comme l’indique ce tableau, au total 116 élèves dont 68 garçons et 48 filles ont répondu au questionnaire qui leur avait été soumis.

5.1.2. Outil de recueil des données : le questionnaire
Pour recueillir les points de vue des élèves de 5e et 6e secondaires sur le cours d’histoire et sur leur projet d’études supérieures ou universitaires, nous avons élaboré le questionnaire lors du premier semestre de l’année scolaire 2013-2014.

5.2. Dépouillement des protocoles, traitement des données et présentation des résultats

Au terme de la récolte du questionnaire auprès des élèves, nous avons immédiatement entamé son dépouillement. Il s’agit de l’analyse des points de vue des élèves sur le cours d’histoire et le choix de leurs études au niveau supérieur.

Première question : Quelles études comptez-vous faire au supérieur ou à l’université ?
Tableau n° 2 – Résultats de la première question

Option
ou faculté préférée

Nombre
de réponses

Pourcentages

Anglais

5

4,31

Aviation

3

2,59

Coupe-couture

4

3,44

Droit

10

8,62

Economie

18

15,51

Français

2

1,72

Géographie

2

1,72

Gestion

3

2,59

Informatique

9

7,75

Laboratoire

3

2,59

Médecine

36

31,03

Psychopédagogie

7

6,03

Santé
publique

4

3,44

Secrétariat
de direction

3

2,59

Science
politique

7

6,03

Total

116

100

Les résultats de ce tableau montrent clairement qu’aucun des élèves de 5e et 6e concernés par notre enquête, ne compte entreprendre les études supérieures ou universitaires relatives à l’histoire. Il y a lieu de noter qu’il existe, évidemment, en comparant les deux tableaux précédents, un lien entre les sections (ou options) choisies par les élèves au secondaire et leur futur choix des études au niveau supérieur ou universitaire. Ainsi, on remarque que presque tous les élèves qui se proposent d’entamer les études de médecine (31,03 %) font les humanités scientifiques (biologie-chimie ou mathématique-physique). Il en est de même de ceux qui font les humanités commerciales administratives qui optent pour l’économie.

Deuxième question : Quelle est l’ambiance de la classe pendant le cours d’histoire ? Cochez une seule réponse.
Tableau n° 3 – Résultats de la deuxième question

Réponses

Nombre
des réponses

Pourcentages

Tous
les élèves sont attentifs

6

5,17

La
moitié de la classe est attentive

34

29,31

Presque
tous les élèves sont distraits

69

59,49

Sans
réponse

7

6,03

Total

116

100

Ces résultats montrent qu’un nombre très important d’élèves (presque 60 %) ne sont pas concentrés pendant la période d’histoire. Nous avons voulu cerner les mobiles de cette attitude en suivant les réponses données par ce groupe d’élèves (59,49 %, c’est-à-dire 69 élèves).

Troisième question : D’après vous, à quoi est due cette ambiance ?
Tableau n° 4 – Résultats de la troisième question

Réponses

Nombre
de réponses

Pourcentages

Personnalité
de l’enseignant

13

18,84

Méthodes
d’enseignement utilisées

31

44,93

Contenu
du cours

19

27,53

Mauvais
horaire du cours

5

7,25

Sans
réponse

1

1,45

Total

69

100

Les résultats de ce tableau révèlent que presque la moitié (44,93 %) des élèves pensent que les méthodes d’enseignement utilisées par les enseignants ne sont pas bonnes. Presqu’un quart des élèves pointent du doigt le contenu du cours qui, malgré la dernière réforme de programme de ce cours en 2005, semble se référer encore à celui de 1981.

Quatrième question : Le métier d’enseignant d’histoire ou d’historien vous intéresse-t-il ?
Tableau n° 5 – Résultats de la quatrième question

Réponses

Nombre
de réponses

Pourcentages

Oui

7

6,03

Non

103

88,79

Sans
réponse

6

5,17

Total

116

100

La quasi-totalité des élèves (88,79 %) affirment n’avoir pas envie de devenir historiens ou enseignants d’histoire au secondaire. Même ceux qui affirment être intéressés par ce métier (6,03 %) ne comptent pas l’exercer.

Cinquième question : Par rapport aux autres cours, le cours d’histoire est pour vous (cochez une seule réponse)
Tableau n° 6 – Résultats de la cinquième question

Réponses

Nombre
de réponses

Pourcentages

Très
intéressant

63

54,31

Peu
intéressant

19

16,38

Moins
intéressant

14

12,07

Pas du
tout intéressant

20

17,24

Total

116

100

De manière inattendue, plus de la moitié des élèves interrogés (54,31 %) trouvent le cours d’histoire très intéressant pour diverses raisons dont la principale est le fait qu’il renseigne sur le passé de l’homme, ce qui lui permet de mieux comprendre le présent et éventuellement, d’améliorer l’avenir. Les autres élèves évoquent le fait que ce cours leur permet d’augmenter leur culture générale.
Les élèves qui indiquent que le cours d’histoire est peu intéressant (16,38 %) pensent que son enseignement a trop de littérature ; d’autres déclarent qu’avec l’évolution technologique, le monde s’intéresse davantage à la nouveauté et se réfère de moins à moins au passé, surtout lointain.
Pour les élèves qui estiment que le cours d’histoire est moins intéressant (12,07 %), c’est le fait que cet enseignement s’appuie sur les dates et les noms propres difficiles à retenir et surtout que son contenu, du moins dans sa globalité, ne concerne pas le Congo voire l’Afrique.

Enfin, 17,24 % des élèves questionnés déclarent que ce cours n’est pas du tout intéressant parce qu’ils n’ont pas de manuels d’histoire ou tout simplement parce qu’ils ne l’aiment pas notamment à cause des méthodes d’enseignement que les enseignants utilisent, du fait qu’il ne pèse pas suffisamment dans les notes et aussi du fait que dans l’horaire, il est programmé généralement à la fin de la journée, quand on est fatigué et déconcentré.

Sixième question : Avez-vous un ou des manuels d’histoire relatif(s) à votre cours ?
Tableau n° 7 – Résultats de la sixième question

Réponses

Nombre
de réponses

Pourcentages

Oui

33

28,45

Non

78

67,24

Sans
réponse

5

4,31

Total

116

100

Comme nous l’indique le tableau, presque 2/3 des élèves ne disposent pas de manuels relatifs à leur cours d’histoire. Quand nous avons cherché à connaître la source de provenance des manuels, pour ceux des élèves qui déclarent en posséder, voici les réponses qu’ils ont données.

Septième question : Précisez la source de provenance de votre manuel d’histoire.
Tableau n° 8 – Résultats de la septième question

Réponses

Nombre
de réponses

Pourcentages

De
parents

24

72,73

De
l’école

0

0

De
moi-même

8

24,24

Autres

1

3,03

Total

33

100

Près de trois quarts des élèves qui ont des manuels d’histoire les ont reçus de leurs parents. Aucune des écoles concernées par cette étude n’a fourni des manuels d’histoire à ses élèves contrairement à la tradition d’antan. Chose curieuse : presqu’un quart d’élèves interrogés affirment avoir eux-mêmes acheté leur manuel d’histoire.

6. En guise de conclusion

Nous nous sommes proposés, dès le début de cette étude, de répondre à quelques questions, notamment : qu’est-ce que la motivation surtout en contexte scolaire ? Les élèves de classes terminales du secondaire (précisément ceux concernés par notre enquête) s’intéressent-ils au cours d’histoire ? Si non, pourquoi ? En terminant leurs études secondaires, ont-ils envie de devenir enseignants d’histoire ou historiens ? Peut-on « prédire » la fin du cours d’histoire au secondaire en RDC ?

Malgré la diversité des points de vue, nous avons retenu que la motivation, dans l’apprentissage, découle de la relation triangulaire qui s’établit entre l’élève, l’enseignant et la matière, mais aussi de nombreuses variables extérieures à cette relation.
Au vu des résultats de cette étude, il appert que les élèves de 5e et 6e secondaires s’intéressent encore au cours d’histoire (voir tableau n° 6). Malgré cela, ils n’ambitionnent pas devenir enseignants ou historiens : des 116 élèves questionnés, aucun n’a fait ce choix ! Ces résultats interpellent et devraient être considérés comme un signal fort, à ne pas négliger, pour l’avenir du cours d’histoire au secondaire qui risque de disparaître un jour de la liste des disciplinaires scolaires, si on y prend pas garde.
Pour éviter d’y arriver un jour à moyen ou à long terme, nous devrions revaloriser l’enseignement de l’histoire au secondaire. Nous proposons ainsi :
– Que les contenus (du programme de 2005) actuels soient effectivement enseignés et révisés tous les cinq ou dix ans, compte tenu des progrès rapides de la science et des résultats récents des recherches en histoire ;
– Que ces mêmes contenus tiennent compte des objectifs généraux assignés au cours d’histoire et abordent les problèmes du passé de manière à réduire les tensions, en privilégiant les enseignements susceptibles d’asseoir les bases d’une discipline de culture générale et d’éveil à l’ère de la mondialisation et de la révolution des technologies de l’information et de télécommunication ;
– Qu’une politique d’édition locale de manuels scolaires soit instaurée et soutenue par les pouvoirs publics de manière à équiper les élèves et, par ricochet, susciter l’intérêt des élèves au cours d’histoire ;
– Que la formation des enseignants d’histoire, au niveau des ISP, mette davantage l’accent sur la pratique professionnelle et le stage des futurs enseignants d’histoire en valorisant les méthodes actives ou l’apprentissage coopératif. Une attention particulière devrait être portée sur le rôle des média dans l’enseignement de l’histoire qui doit rompre avec l’encyclopédisme.

C’est de cette façon, nous pensons, qu’on peut crever l’abcès et instaurer une nouvelle ère dans l’enseignement de l’histoire au secondaire dans notre pays, enseignement qui fut, pendant plusieurs décennies, européocentrique et fort critiqué mais n’a pas réussi aujourd’hui à susciter l’intérêt des adolescents.

Nous pensons que les causes de ce désintérêt sont à la fois internes et externes à l’enseignement de l’histoire en RDC. En effet, nous pouvons considérer que les changements de programmes (notamment ceux de 1981 et de 2005) sans actualisation du matériel didactique et des manuels, l’absence d’une politique de recyclage des enseignants et la sous-qualification de beaucoup d’enseignants d’histoire sont des causes internes. Quant aux causes externes, il y a lieu de souligner la concurrence difficile à laquelle le métier d’enseignant d’histoire ou d’historien fait face par rapport aux études comme le Droit, la Médecine, Polytechnique, l’Informatique… qui préparent aux professions que les élèves estiment plus « nobles ». Il faut aussi reconnaître que si une grande partie des meilleurs étudiants optent pour ces études (Droit, Médecine, Polytechnique, Informatique…) c’est parce qu’elles offrent, outre la considération sociale, des salaires et avantages enviables. Il va sans dire que bon nombre d’étudiants inscrits en Histoire ont un niveau moyen, ce qui impacte sur la qualité de la formation qu’ils reçoivent et sur celle des élèves qu’ils sont appelés à former.

Comme on le voit, il y a encore bien de questions qui nécessitent de profondes réflexions sur l’avenir de la discipline historique en RDC et ailleurs.

NOTES
1. Lambert EKANGA LOKOKA et Daniel TUKANDA MANYA sont respectivement Professeurs Associés aux Instituts Supérieurs Pédagogiques de Kananga au Kasaï-Occidental et de Wembo-Nyama au Kasaï-Oriental en République démocratique du Congo.
2. Selon cette Réforme, le Département d’Histoire et Sciences Sociales était rebaptisé Histoire et Gestion de Patrimoine. Cela devrait, selon les réformateurs, attirer plus de candidats étudiants qui hésitaient à entamer une option qui ne semblait plus attirer les jeunes dont la plupart « évitent » le métier d’enseignant d’histoire.
3. Le tableau des effectifs des étudiants inscrits au département d’Histoire dans quelques ISP en annexe I en témoigne.
4. La République démocratique du Congo (RDC) est la seule nation en Afrique, voire au monde, qui partage des frontières avec neuf pays.

Bibliographie
Abgrall, J.-P. Stimuler la mémoire et la motivation des élèves. Une méthode pour mieux apprendre, France, ESF, 2012.
Colet N.R. et Lanarès J. Comment soutenir la motivation des étudiants, Berlin, Paris, Bruxelles, Peter Lang, 2013, pp. 73-86.
Duclos, G. La motivation à l’école, un passeport pour l’avenir, Canada, 2010.
Fenouillet, F. Les théories de la motivation, France, Dunod, 2012.
Martineau, R. L’histoire à l’école. Matière à penser, Paris-Montréal, L’Harmattan, 1999.
Pinson G. Enseigner l’histoire : un métier, des enjeux. Collège, Lycée, Cedex, Hachette, 2007.
Rey B. et Staszewski M. Enseigner l’histoire aux adolescents. Démarches socio- constructivistes, Bruxelles, De Boeck, 2004.
Unesco, Politiques et pratiques relatives aux Enseignants dans la perspective de l’Education pour Tous. Etudes de cas : Nigéria, Ghana, Afrique du Sud et Ouganda, 2013.
Viau, R. La motivation en contexte scolaire, Bruxelles, De Boeck, 2003.
Viau R. La motivation : condition au plaisir d’apprendre et d’enseigner en contexte scolaire, Actes du 3e Congrès des Chercheurs en Education, Bruxelles, mars 2004.

ANNEXE I : Effectifs des étudiants dans certains ISP avant et après 2005

ISP

Année
académique

Total des
étudiants

Etudiants en
Histoire

% en Histoire

Bandundu
(Province de Bandundu)

2003-2004

2006-2007

312

658

62

146

19,8

22

Bunia

(Province
Orientale)

2003-2004

2005-2006

283

456

56

66

19,7

14,4

De la Gombe

(Ville
de Kinshasa)

2003-2004

2005-2006

1.809

3.128

23

58

1,2

1,8

Kananga

(Province
du Kasaï-Occidental)

2001-2002

2006-2007

1.402

642

128

53

9,1

8,2

Mbuji-Mayi

(Province
du Kasaï-Oriental)

2001-2002

2006-2007

320

783

20

54

6,2

6,9

Wembo-Nyama

(Province
du Kasaï-Oriental)

2003-2004

2006-2007

178

551

10

33

5,6

5,9

ANNEXE II
QUESTIONNAIRE DESTINE AUX ELEVES DE 5e ET 6e ANNEES SECONDAIRES
Cher (ère) élève,
Nous sollicitons votre participation, avec attention soutenue, à répondre à ces quelques questions relatives à votre cours d’histoire. Il vous est demandé concrètement de donner des informations correctes et sincères pouvant nous éclairer sur le niveau de votre motivation à l’étude de l’histoire.
D’avance merci pour votre collaboration.

-Age……ans Sexe……… Année d’études……………………………………………
-Section : ……………………………………….
-Nom de l’école : ……………………Réseau (régime de gestion)…………………………..
-Lieu (localité ou ville et province)……………………………………………………………
Quelles études comptez-vous faire au supérieur ou à l’université ?……………………………..
Quelle est l’ambiance de la classe à l’heure du cours d’histoire ? (Cochez une seule réponse) :
-Tous les élèves sont attentifs………………(…)
-La moitié de la classe est attentive…………..(…)
-Presque tous les élèves sont inattentifs…….(…)
A quoi est due, d’après-vous, cette ambiance ?……………………………………………………………
Le métier d’enseignant d’histoire ou d’historien vous intéresse-t-il ? Oui ou Non
En cas de non, pourquoi ?…………………………………………………………………………………………
Par rapport aux autres cours, le cours d’histoire est pour vous (Cochez une seule réponse) :
-Très intéressant…………..(…)
-Peu intéressant……………(…)
-Moins intéressant…………(…)
-Pas du tout intéressant……(…)
Justifiez votre réponse à la question précédente………………………………………..
Avez-vous un manuel d’histoire relatif à votre cours ? Oui (….) Non (….)
Précisez sa source de provenance : de parents (….), de l’école (….), de moi-même (….)
Auriez-vous un avis à émettre sur votre actuel cours d’histoire ?
……………………………..
………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………..

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