Histoire & Enseignement

l'Association Belge des Professeurs d’Histoire d’Expression Française

(Ce texte a été rédigé à 50 mains. Il a ensuite circulé sur la liste de discussion du collectif Aggiornamento regroupant à ce jour 330 inscrits. )

Le collectif Aggiornamento histoire-géographie a pris connaissance des nouveaux programmes d’histoire, de géographie et d’éducation morale et civique (EMC) pour le lycée, dans la version désormais soumise à la consultation des enseignant.e.s.

Nous avions déjà relevé les angles morts de ces projets, et notamment l’absence totale, dans leur première version, de l’histoire de l’immigration et la présence indigente de l’histoire des femmes. Nous prenons acte de l’intégration in extremis de ces thèmes à la suite de la polémique médiatique qui a suivi notre alerte. Nous rappelons à ce propos le caractère indigne des allégations ministérielles qualifiant les textes provisoires rendus publics par le SNES de textes falsifiés et réaffirmons notre colère face à la procédure opaque et antidémocratique de rédaction des programmes[1] ; un autoritarisme et une verticalité jamais vus depuis que l’écriture des programmes a été décrétée comme une entreprise collective et ouverte aux demandes de la société, à savoir depuis plus d’un demi-siècle.

Sollicités une première fois par le CSP en mai dernier pour une analyse des programmes en cours et une discussion autour des changements à mener, nous avons présenté nos propositions, comme nous l’avions déjà fait pour le collège en 2015. Nous avons rappelé notre attachement à l’histoire économique et sociale, aux variations d’échelle du national au local en passant par l’histoire mondiale, et surtout notre souci d’adéquation entre la recherche et les programmes et au travail coopératif intercycle de la maternelle à l’université. En géographie, comme en histoire, le collectif Aggiornamento plaide pour des regards croisés, embrassant les sciences sociales dans leur diversité, pour un enseignement vraiment critique, et pour des réflexions conjointes sur les contenus et la pédagogie. Plus que tout, nous réitérons notre désir de donner consistance à une véritable liberté pédagogique qui ne peut s’exprimer que dans le cadre de programmes légers et non directifs. Toutes nos propositions sont détaillées sur notre site et dans nos deux volumes collectifs de La fabrique scolaire de l’histoire.

Il va de soi que la critique des programmes qui suit n’est qu’un maigre palliatif au regard de ce pour quoi nous militons, mais nous nous plions à l’exercice pour mieux affirmer la distance qui sépare ces propositions de ce que nous défendons, et surtout, pour démontrer à quel point ces programmes nous semblent indigents intellectuellement, et dangereux pour des disciplines dont les finalités intellectuelles et éducatives ne sont pourtant plus à prouver.

Nous rappelons pour finir notre totale opposition à une réforme du lycée et du baccalauréat : une réforme instaurant des inégalités territoriales criantes entre les lycées, une éducation à plusieurs vitesses au détriment des élèves les plus démunis, et un contrôle continu qui – pour ce que nous en savons – supprime toute liberté pédagogique au profit d’un constant pilotage par l’examen.

L’heure est grave pour le lycée et pour l’école en général. Ces programmes ne sont qu’un maillon d’une entreprise de démantèlement de ce qui restait d’école commune. Ils sont à la fois encyclopédiques et discriminants, destinés à servir d’antichambre à la sélection renforcée par la mise en place de Parcoursup l’année dernière. Pour toutes ces raisons, plus encore que pour leur contenu propre, nous devons les refuser et nous appelons les collègues qui le souhaitent à profiter de cette mascarade de consultation pour en faire de même.

NB : compte-tenu de l’urgence, de la période (risiblement courte) de consultation, et du fait que nous avons déjà fort à faire dans nos classes, ce document doit être considéré comme un document de travail destiné à être régulièrement complété ; notamment par l’analyse de l’EMC et de l’enseignement de spécialité.

I – À propos des ronflants préambules et des axes structurants des nouveaux programmes

Nous ne le dirons plus, mais des programmes véritablement inclusifs auraient pris soin, dès leurs premières lignes, de stipuler qu’au côté des “acteurs”, on trouve des “actrices” ; et qu’au côté des “hommes”, on trouve souvent “des femmes”. Cela n’est pas bien compliqué d’insérer la distinction systématiquement et cela témoignerait d’emblée d’une sensibilité non feinte à la présence de la moitié de l’humanité en histoire comme en géographie.

Nous ne sommes pas non plus dupes des signaux réactionnaires donnés à travers des formules comme “s’instruire de manière rigoureuse” (p. 3) ou encore “la transmission des connaissances par les professeurs et l’écoute active de la part des élèves” (p 4) ; des expressions censées flatter la fibre magistrale de professeurs perçus comme nostalgiques de leurs estrades de bois, une vision conforme aux critiques incessantes, voire aux insultes faites à la pédagogie. Nous y reviendrons dans notre texte. Enfin, cette démarche est à rapprocher du lourd rappel sur la prééminence de la chronologie (comme si cette dernière avait disparu) ainsi que sur la centralité de la France en histoire comme en géographie.

À force de viser par ailleurs le consensus mou du fameux “en même temps”, le tableau récapitulatif des compétences recèle des perles d’ésotérisme : que l’on nous explique en effet ce que le CSP entend par “identifier les contraintes et les ressources d’un évènement, d’un contexte historique” ?

Enfin, au-delà du lyrisme de l’expression “points de passage et d’ouverture” qui nous sont présentés sous un angle non directif (“on peut mettre en avant”), rappelons que, dans une perspective de contrôle continu et de banques de données de sujets communs, on voit mal comment ce “on peut” ne se transformera pas de fait en “on doit” ; signe supplémentaire d’une directivité qui ne dit pas son nom. Il s’agit donc d’une entourloupe, sachant que chacun des chapitres représentera de 3h à 5h de cours. Faute de temps, les “points de passage” seront probablement des boyaux d’étranglement, le cours se réduira ainsi à la portion congrue et à la juxtaposition d’études ponctuelles sans choix laissé aux enseignants.

II – Une propension à l’encyclopédisme qui ne peut donner lieu à de réelles mises en oeuvre
A – Des programmes extrêmement lourds, qui rendent impossibles la consolidation des apprentissages et la construction du fameux “esprit critique” si souvent invoqué

Alors que le ministre ne cesse de s’appuyer sur les sciences cognitives quand il s’agit de la lecture et des mathématiques, et qu’il apparaît nettement que la répétition, la progressivité, et en un mot, le fait de prendre le temps, facilitent les apprentissages – quel scoop ! – c’est exactement le contraire qui est ici proposé, une marche forcée rendant à peu près inopérante toute tentative de construire et d’ancrer en profondeur connaissances et compétences.
S’il s’agit de développer l’esprit critique, on ne voit pas comment cela sera décemment possible, tant la patience et l’art de la lenteur qu’une telle finalité requiert sont par définition exclues de cette proposition de programmes boursouflés, plus indigestes encore que ceux, déjà pléthoriques, qu’ils remplacent.

Quand tout le monde s’accorde sur l’insupportable pesanteur des programmes (il y avait pourtant consensus entre des acteurs de l’enseignement très divers et cela avait été unanimement dénoncé lors des auditions de bilan des programmes actuels tenues au printemps dernier), le CSP semble sourd et il a la main lourde. Les programmes qui nous sont proposés s’avèrent plus chargés encore que les précédents.

Ce constat est particulièrement frappant au niveau de la classe de Première. Les actuels programmes, qui prévoient une dizaine de questions en histoire comme en géographie, ont de longue date été dénoncés comme infaisables. Or, les nouveaux sont à cet égard encore pires : alors que la réforme du lycée réduit l’horaire commun d’histoire-géographie à trois heures hebdomadaires (soit l’alignement de tous sur l’horaire de la série scientifique actuelle, dont on sait bien qu’il abaisse notre enseignement à un pénible bachotage au pas de charge, peu apprécié des élèves), il faudrait désormais traiter quatre grands thèmes en histoire, ventilés en trois chapitres chacun, soit pas moins de douze chapitres dans l’année ! Bel effort d’allègement, vraiment !

Ces programmes apparaissent ainsi comme le volet pédagogique du mantra libéral du “faire plus avec moins”, devenu l’alpha et l’oméga des politiques publiques : il faudrait ainsi que les élèves comme les professeurs soient “performants” et parviennent à couvrir, mieux évidemment, plus de chapitres avec moins d’heures de cours.

La même logique conduit à déstabiliser la filière technologique : il faudrait abattre désormais huit chapitres au lieu de 5, dans un horaire réduit à une heure et demie par semaine, avec des élèves déjà souvent en difficulté dans les disciplines dites “générales”. Pire encore : depuis 2005, les programmes des filières technologiques sont des laboratoires d’expérimentations d’une écriture et d’une pédagogie novatrices. Ce sont eux notamment qui ont introduit l’articulation entre une question générale thématique et une étude au choix. Nous trouvions cette démarche et cette souplesse efficaces et porteuses. Au lieu de cela, et comme pour mieux signifier que les filières technologiques ne sont que des filières dégradées, on nous propose désormais le même programme « chronologique et structurant » (sic) que dans les filières générales, en version “light”. Une belle preuve de mépris social.

B – Une mise en oeuvre impossible

Paradoxalement, alors que ce gouvernement répète à l’envi qu’il veut faire pénétrer la culture de l’évaluation dans la fonction publique, la refonte actuelle des programmes n’a été précédée d’aucune réelle évaluation des problèmes et des impasses de ceux qu’il s’agit de remplacer.
On ne s’étonnera donc pas de retrouver celui, récurrent, d’une mise en oeuvre impossible, rendant cet enseignement d’avance condamné à l’échec, au plan méthodologique comme au plan des contenus et de l’intérêt des élèves pour nos disciplines.

Doit-on rappeler qu’il se déroulera dans la majorité des cas exclusivement en classe entière ? On aimerait bien voir certains des concepteurs en classe avec 35 élèves de Seconde le samedi de 11h à 12h ou le vendredi à 17h toute une année pour conduire une telle progression…

De plus, le professeur d’histoire-géographie est souvent professeur principal. Avec l’alourdissement considérable des tâches de ce dernier, qui vient de sortir du chapeau ministériel par la grâce d’une circulaire publiée plus d’un mois après la rentrée, la sacro-sainte obligation de “finir les programmes” devient pure mission impossible.

C – Psittacisme et bégaiement

Une fois encore, nos disciplines sont conçues par les rédacteurs de programmes comme une éternelle répétition. La plupart des thèmes choisis, que ce soit en histoire (démocratie athénienne, renaissance et réformes, lumières, etc.) ou en géographie (migrations et mobilités touristiques, risques, etc.) sont déjà au programme du collège, souvent formulés de manière très proche qui plus est. Une bonne partie des thèmes de seconde sont en effet traités en classe de quatrième : les élèves répéteront donc stérilement l’étude des mêmes questions en l’espace de deux ans. On peut d’ores et déjà s’attendre à une forte lassitude chez nombre d’entre eux, qui n’en retireront qu’une vision très asséchée de nos objets disciplinaires.

De plus, le rythme des études menées tambour battant sera tel qu’il exposera nombre d’élèves parmi les moins solides à regarder le TGV s’éloigner sans eux, le désintérêt étant comme le ministre le sait bien l’un des ferments – parmi tant d’autres bien sûr – du décrochage. Est-il absurde de rappeler que le plaisir d’apprendre ne se crée pas dans n’importe quelles conditions ?
Cette éternelle répétition, qu’elle soit enrobée ou non du sempiternel argument des “bases” (dont on se demande bien ce que le terme recouvre en réalité, sinon une succession chronologique canonique digne du Malet et Isaac ?), méprise profondément le travail effectué par les collègues enseignant en collège, ces fameux “acquis de collège” auxquels les inspecteurs ne cessent pourtant de renvoyer lorsqu’il s’agit d’accélérer le rythme de nos progressions, toujours trop lentes pour “finir le programme avant juin”.

L’institution tient donc – mais ce n’est pas une première – un discours profondément incohérent : soit, à en croire l’inspection, ces acquis existent, et il est inutile de répéter les mêmes contenus ; soit, à en croire le CSP, rien n’est ancré ni acquis au cours des 4 années de collège (vive le mépris !), et dans ce cas, on voit mal comment une répétition au pas de course au lycée serait plus efficace.

III – Un décalage profond entre “l’ouverture” annoncée en préambule et la réalité d’un programme étriqué et rabougri

Rappelons que l’ambition de la récente réforme du collège, formalisée par la rédaction d’un socle commun, était de développer l’autonomie des élèves par des procédés pédagogiques et didactiques novateurs, afin de travailler la coopération et la mutualisation entre élèves, l’acquisition de compétences et de connaissances croisées (tâches complexes, EPI…) ou la pratique de l’oral. Si sa mise en oeuvre hâtive et marquée par une diminution des horaires disciplinaires est certes entrée en profonde contradiction avec ces objectifs, on est ici dans un projet d’une toute autre nature.

A – Un décalage formel qui révèle une vision passéiste de l’enseignement
1 – Les démarches intellectuelles propres à nos disciplines sont absentes

Quelle que soit la manière dont on les nomme, ces programmes nous repassent le plat pourtant fort refroidi des “repères chronologiques”, à rebours de toute une réflexion historiographique pourtant ancienne et féconde sur la périodisation et la relativité du rapport au temps. Faut-il vraiment découper l’histoire en tranches ? pour reprendre le titre d’un ouvrage de Jacques Le Goff… Oserait-on évoquer le travail de Fernand Braudel sur les temporalités ou celui de Daniel Milo dans Trahir le temps qui rappelait opportunément que “pour respecter son contrat – faire parler le temps – l’historien se doit de le trahir. Gaiement.” ? On en est loin.
Qui plus est, ces “repères” relèvent d’une simple chronologie politique, établissant des continuités aussi artificielles que discutables épistémologiquement (“la construction de l’Etat en France depuis le XVIe siècle”), qui contribuent à accentuer fortement une vision téléologique et finaliste de l’histoire.

L’idée même de problématisation, à la source des travaux historiques depuis 3/4 de siècle, disparaît ici totalement, au profit d’une vision archaïque du récit historique comme unique modalité d’exposition.

Il existe pourtant d’autres manières de procéder. Un minimum de concertation avec le groupe ayant en charge l’élaboration des programmes d’histoire des arts aurait ainsi pu être envisagé. Alors qu’on peut lire dans le programme d’histoire des arts de Première (enseignement de spécialité) que “l’équipe varie les démarches, en s’interdisant absolument d’inscrire la progression annuelle dans un unique déroulé chronologique”, il n’est offert aucune marge de manœuvre équivalente aux enseignants en histoire. Ce qu’on envisage par conséquent d’un côté pour certains est refusé à d’autres, et ce alors même que l’histoire des arts et l’histoire ne sont, comme leur nom l’indique, pas totalement sans lien…

Ces programmes étouffent ainsi toute la richesse et la fécondité des questionnements possibles sur les dates d’un évènement (à tout hasard, la Révolution française), sur la prise en compte des temps courts et longs, sur la discordance des temps selon les acteurs/actrices, etc., dont les trente dernières années de recherches historiques n’ont cessé de montrer la dimension heuristique.
Par ailleurs, aucune réflexion n’est jamais menée – et aucun enseignant ne pourra les introduire, faute de temps – sur les sources et les matériaux de l’historien.ne et du.de la géographe[2]. Ainsi, il devient impossible de penser et d’analyser, avec les élèves, la construction des discours et partant, celle de l’histoire et de la géographie, qui resteront ainsi, éternellement, des disciplines positivistes d’un autre âge.

Il s’agit donc, et c’est un comble, d’une régression énorme par rapport au socle du collège qui prévoit dès la 6e (cycle 3) de “savoir que le document exprime un point de vue, identifier et questionner le sens implicite d’un document” et qui dès le cycle 4 invite à réfléchir à la typologie des sources.

2 – Pédagogie et didactique : de gros mots à bannir !

Le texte des programmes est, comme souvent, articulé en deux parties : l’une concerne les contenus, l’autre les capacités et méthodes. Pour ce qui concerne ce dernier point, un malheureux et maladroit maquillage progressiste cache mal une vision passéiste de l’enseignement.
Le CSP ignore, ou feint d’ignorer, une fois encore, les conditions réelles dans lesquelles se déroulent nos enseignements : effectifs, équipement, autonomie des élèves sont loin de ces données théoriques qui fondent son raisonnement. Avec des chapitres conjuguant 3 à 6 objectifs de contenu et 3 “points de passage” à traiter en 5 heures, évaluation comprise, la place du travail autonome des élèves restera symbolique, dans le meilleur des cas.
La multiplication des usages du mot “critique”[3] ne doit pas non plus nous abuser. En effet, une lecture plus précise des attendus permet de prendre la mesure de ce qui est effectivement
préconisé :

• Les démarches attendues sont, globalement, d’une pauvreté intellectuelle considérable. Ainsi en est-il de l’item “identifier et nommer”. On attendrait donc des élèves le simple usage d’un lexique approprié, autrement dit la mise en oeuvre en apparence basique de processus normatifs et classants, mais qui ne peuvent se faire de manière légitime, productive et pertinente que s’ils s’appuient sur un brassage des savoirs, sur des rapprochements et des comparaisons, sur des remises en question des (fausses) évidences,etc. Bref : à développer une réflexion personnelle autonome. De même est-ce le cas de l’item “critiquer, mettre en oeuvre l’analyse critique” : on constate ici une remontée en généralité – et un retour en arrière didactique – par rapport à la version des programmes de 2010, qui précisait ainsi la démarche : “prélever, hiérarchiser, confronter”. Le contrat didactique s’en trouve sérieusement amoindri, et élèves comme collègues ne sont pas accompagnés vers les démarches fines. Encore une fois, la régression est également nette par rapport au socle du collège qui prévoit dès le cycle 3 de “confronter un document à ce que l’on sait par ailleurs” et d’”utiliser ses connaissances pour expliciter, expliquer le document et exercer son esprit critique”.

• Aucune mise en mot ou en rédaction des enjeux intellectuels et scientifiques n’est attendue des élèves. Il ne s’agit ici que d’une simple compréhension/répétition stérile de questionnements déjà là, posés de l’extérieur par l’enseignant, le programme, le manuel, etc. (il n’est en effet question que de “s’approprier un questionnement”). Pourtant les didacticiens – mais sans doute est-ce devenu un mot inconvenant à l’heure des toute-puissantes neurosciences – insistent sur l’importance d’une formulation par les élèves, ou au moins avec eux, de la réflexion en train de se construire (dire et exprimer ce que l’on sait, ce que l’on ignore, ce que l’on suppose, pour formaliser ses savoirs et ses questionnements), pour mettre à distance toute approche positiviste des documents et entrer dans une posture interprétative et véritablement critique.

• Une conception allant à rebours des avancées didactiques, qui insistent notamment sur la fécondité des analogies contrôlées et sur l’importance de ces analogies pour entrer dans le processus de conceptualisation, indispensable à l’objectivation des contenus et la construction d’entités historiques.

• Une disparition des compétences liées au travail collectif (coopérer, mutualiser) et à la réflexion personnelle (structurer sa pensée). La situation est ainsi paradoxale : à cet égard, comme en ce qui concerne les démarches, les compétences attendues des élèves de collège sont plus ambitieuses que celles du lycée !

• L’item consacré au travail personnel comprend uniquement des compétences liées à l’écoute d’un cours magistral ou, dans le “meilleur” des cas, dialogué : “avoir une écoute active et critique” et “prendre des notes”. Au prétexte qu’une “structuration claire des apprentissages par les enseignants est indispensable”, on trouve ici la réduction du cours à la seule parole de l’enseignant et à un contingentement de celle de l’élève à de seules réponses aux questions posées par le professeur.

• Aucune mobilisation par les élèves de démarches et de pratiques en dehors du discours professoral. Le préambule précise ainsi que le cours est construit autour de la “transmission de connaissances par le professeur et l’écoute active des élèves”, soit le retour de l’antique cours magistral descendant, adressé à un élève-type virtuel qui le comprend et l’intègre sans aucun questionnement. Evidemment, les impératifs horaires imposés par ces programmes boursouflés et la mise en place du contrôle continu en première rendront de toute façon toute autre forme que le cours magistral impossible. Comment un tel programme en si peu d’heures, scandé par une évaluation en contrôle continu grâce à des banques nationales de sujets numériques au 2e et 3e trimestres de 1e, et 2e trimestre de Terminale, pourrait-il permettre le moindre “travail autonome” des élèves ?

Par ces programmes, on attend donc d’élèves de 15 à 18 ans, presque adultes et futurs étudiants du supérieur, des démarches intellectuellement indigentes, au lieu de contribuer à les former à la réflexion autonome et éclairée attendue de tout citoyen dans une démocratie digne de ce nom.

3 – Une vision totalement dépassée de la place et de l’utilisation du numérique

Les usages du numérique sommairement présentés ici sont désespérément simplistes et pédagogiquement creux, tout comme l’injonction (jamais précisément détaillée en termes de démarches) à en avoir “un usage responsable”. Rien n’est dit dans les programmes de l’usage des globes virtuels, des SIG, des outils collaboratifs, des jeux sérieux, des webdocs, de l’utilisation des réseaux sociaux, etc.

Parle-t-on bien ici d’éduquer ceux qui seront les adultes du XXIe siècle ?! Quid de l’apprentissage raisonné du numérique, du travail collaboratif, de la faculté à coopérer et mutualiser ? Quid aussi de l’utilisation pédagogique des nouveaux outils comme les smartphones ? On ne peut que s’étonner à cet égard des annonces ministérielles, en réaction à des faits divers, d’une possible interdiction des portables au lycée (après le collège), qui vont totalement à l’encontre des efforts déployés par les enseignants pour intégrer cet outil en classe et dans le déroulé des séquences de cours.

Mais il est vrai que tout ceci va à l’encontre du sacro-saint cours magistral… et des réalités des équipements informatiques de nombre d’établissements.

B. Un décalage notionnel : “en marche” vers un enseignement étriqué et largement périmé

Le préambule des programmes, véritable déclaration d’intention, insiste sur l’altérité, l’étude de territoires variés, la multiplicité des “regards sur le monde”, la diversité de l’humanité, l’existence des acteurs collectifs, etc. On se prendrait presque à espérer qu’il tienne alors compte de l’actualité épistémologique et de l’importance d’un questionnement sur les cadrages, la construction des catégories, les acteurs, les échelles, d’une “vision large de l’histoire” telle qu’on la retrouve dans la recherche des dernières décennies.

Hélas, le programme tant en histoire qu’en géographie, à rebours de ces beaux principes, focalise en réalité, ad nauseam, sur la France et même, de façon plus restreinte encore, sur l’État français, avec une lourde insistance sur le concept de nation, dont on sait pourtant à quel point il constitue un obstacle à de nombreux questionnements. ”La France peut également être l’objet de l’étude de cas, mais cette étude de cas ne peut pas se substituer à la question spécifique consacrée à la France.” (!)

D’une manière générale, dans ce projet, la lourdeur encyclopédique semble tenir lieu de principe. Rien d’étonnant, tant cette accumulation de thèmes et de points de passages relève d’un conservatisme intellectuel confondant.

L’approche dictée par ces programmes est en effet, uniformément, une approche politique et “par le haut” : de la construction et de la forme de l’État découlent les évolutions sociales et les mentalités, qui restent à peine effleurées. En cela, les apports de 30 ans d’historiographie – au moins – sont ignorés, et le retour en arrière est flagrant. On y retrouve, sous une forme à peine modernisée et quoi que la présidence du CSP s’en défende, les bons vieux tenants du roman national. La suppression, dans la version définitive qui nous est soumise, du point de passage consacré aux conséquences de l’abolition de l’esclavage dans les sociétés d’outre-mer trahit on ne peut mieux les pensées politiques du CSP : ce dernier a sans doute réalisé avec effroi quel accroc au récit national permettait l’enseignement de l’engagement de travailleurs et de travailleuses venu.e.s maintenir l’activité économique des plantations dans des conditions souvent assimilables à l’esclavage, mais aussi la persistance d’une organisation sociale largement fondée sur les discriminations raciales, et aux mouvements d’insurrection qui en furent le fruit.

Ainsi, les rédacteurs et rédactrices de ce projet valident une conception purement utilitariste du passé, l’enseignement de l’histoire et de la géographie se mettant au seul service du catéchisme national-républicain, et ne permettant en aucun cas aux élèves de se forger les outils d’une analyse critique et éclairée du monde dans lequel ils grandissent.
Un exemple, parmi d’autres possibles, de cette instrumentalisation du passé : la fameuse “démocratie athénienne” est ainsi la seule entrée possible dans le monde grec antique, et se pose en prolégomènes de la construction républicaine française vers laquelle converge l’ensemble du programme. Les exclu.e.s – largement majoritaires à Athènes – de cette citoyenneté n’y sont pas même mentionnés…

IV – Un lourd retard épistémologique et, “en même temps”, le recours à des concepts non stabilisés ou validés par la recherche
A – En géographie, des notions problématiques et des découpages contestables
Ces programmes de géographie réussissent l’exploit d’accoler des notions non stabilisées, voire non reconnues, et des notions aujourd’hui remises en question, contestées ou dépassées.
1 – La “transition” plutôt que l’anthropocène

Le programme de géographie contient lui aussi son lot de surprises, avec des notions véritablement sorties de nulle part. Le programme de la classe de seconde est ainsi guidé par l’idée d’un monde en transition. Mais de quelle transition nous parle-t-on ? Cette notion n’apparaît nulle part dans les travaux scientifiques, quelle que soit l’école de géographie concernée. C’est tout au plus une vague notion politique dans l’air du temps, certainement pas un concept géographique stable qui est introduit ici, au risque du simple affichage, voire de l’instrumentalisation. Cette notion de transition est d’ailleurs à peine définie par les concepteurs du programme.

Il s’agit en fait d’un mot valise. Les deux seules déclinaisons données à lire dans le programme sont la transition démographique et la transition économique… Les géographes ont beau présenter leur discipline comme une discipline carrefour, ils se targuent tout de même d’utiliser des concepts propres et de proposer une réflexion plus riche que cela sur les territoires et les dynamiques sociales à l’œuvre sur ceux-ci.

Dans le même temps, on ne lit jamais dans ce programme le terme attendu par le citoyen lambda de “transition écologique” ou celui de “transition énergétique”. Les auteurs du programme avaient-ils peur de ces termes ? Pourquoi ne pas utiliser le terme de crise, dont les historiens et géographes ont l’habitude : est-il perçu comme anxiogène ? La transition est en effet plus optimiste, mais aussi plus planificatrice et gestionnaire. L’idée de transition empêche de voir la persistance et la résilience (voilà une notion de géographie) de systèmes anciens. Elle sous-estime radicalement la transformation que les sociétés sont censées opérer pour répondre au défi climatique contemporain et ne pas dépasser 1,5 °C en 2100.

Ici la transition n’apparaît que comme “le prolongement du développement durable” ou comme synonyme de mutation. Quand on lit une esquisse de définition (“elle désigne une phase de changements majeurs, plutôt que le passage d’un état stable à un autre état stable”), elle va à l’encontre de la définition de transition démographique (notion démographique pourtant utilisée par les géographes), définie comme le passage d’une situation de relatif équilibre (les démographes n’emploient pas forcément le mot de stabilité) à une autre situation de relatif équilibre. Les géographes parlent également de transition à propos de la transition urbaine, mais les villes et l’urbanisation (car tel est le concept géographique) sont plutôt absentes du programme de Seconde, alors qu’elles tenaient une position centrale et pertinente dans les programmes de 2010. L’urbanisation et la métropolisation ont ici été totalement basculées en classe de Première, au mépris de toute idée de progression cumulative…

En définitive, la notion de transition, peu définie alors qu’elle était censée articuler toute l’année de seconde, doit être renforcée, pour prendre du sens, par trois notions plus géographiques, qui correspondent aux trois premiers thèmes à traiter : environnement, développement, mobilités. On trouvera plus aisément ces trois termes dans des dictionnaires de géographie.

De fait, le terme qui aurait pu être proposé comme ligne directrice pour l’année de Seconde, qui correspondrait à la fois à l’épistémologie géographique et à des réalités scientifiques, est celui d’anthropocène. Ce concept, issu des sciences de la terre mais que les géographes se sont appropriés signifie que l’environnement global est modifié par les sociétés humaines… Mais c’est un terme porté, entre autres chercheurs bien sûr, par Michel Lussault… le président démissionnaire du CSP remplacé par Souad Ayada, celui même qui a dénoncé publiquement le manque de débat possible dans la démarche engagée de réforme du lycée. Se pourrait-il qu’au nom de querelles politiques et de personnes, le contenu scientifique des programmes soit malmené ? On n’oserait le penser…

L’Anthropocène est pourtant un concept transdisciplinaire qui permet de réfléchir au rôle des sociétés industrialisées et de leurs modèles économiques diffusés au reste du monde dans les dynamiques spatiales à l’œuvre aujourd’hui. Il est moins politiquement correct que le terme de développement durable, que les géographes avaient adopté, tout en le critiquant largement. Bref : un concept intellectuellement fécond, porté par une recherche riche et variée… un outil pour penser, bien plus pertinent que la gazeuse notion de “transition”.

2 – La “recomposition “ plutôt que la métropolisation

En ce qui concerne la classe de Première, c’est encore une fois un terme mou et vague qui a été choisi dans l’intitulé du fil directeur de l’année, celui de « recomposition ». Certes, les géographes emploient ce terme, mais il ne leur est pas propre.

Pourquoi ne pas avoir gardé la notion d’aménagement du territoire (elle disparaît largement du programme, le mot ne revenant que deux fois, et seulement pour la France) ? Ou bien ne pas avoir eu le courage de mettre en avant le terme de métropolisation ? Dans le programme actuel, les dynamiques des espaces productifs tout comme celles des espaces ruraux étaient pourtant bien présentées comme liées à la métropolisation. Et cette notion de métropolisation est définie par les géographes comme liée à la mondialisation. Tout ceci aurait donc permis de faire comprendre aux élèves les interactions des différents phénomènes à l’oeuvre dans les dynamiques qui structurent le monde actuel, dans une démarche intellectuellement plus féconde.

3 – Des notions remises en question par la recherche

Ainsi en est-il du “développement”. Alpha et oméga de programmes désormais forts anciens, le terme de développement est depuis une décennie déjà remis en question par les géographes. La question des inégalités, qui est centrale aujourd’hui tant dans nos sociétés que dans la recherche, y compris dans sa dimension spatiale, apparaît pourtant dans ces programmes comme encore conditionnée à l’étude du développement (on voit d’ici revenir la vieille rengaine des “espaces développés” et “en voie de développement”).

4 – Un découpage problématique des questions

Le troisième thème du programme de Seconde est à cet égard significatif : aucune distinction ne semble être établie entre migrations et mobilités, ce qui conduit à mettre entre parenthèse et au même niveau le fait de “fuir le danger” et celui de… “visiter” ! Dans le même ordre d’idées, les études de cas choisies semblent assez contestables. Pourquoi les Etats-Unis pour étudier le tourisme ? Ce choix n’aurait-il pas été plus pertinent pour les migrations, à l’époque du mur de Donald Trump ? Et parler de “bassin migratoire” pour la Méditerranée est assez malvenu, surtout quand il s’agit de milliers de migrants noyés chaque année.

Le troisième thème du programme de Première pose tout autant question. Si l’on connaît la fragmentation des espaces urbains, on a bien du mal à voir où les concepteurs de programmes veulent en venir avec la notion de fragmentation des espaces ruraux, qu’aucun géographe n’a jamais évoquée. De plus, le lien avec la question agricole n’apparaît pas clairement, puisqu’il semble s’agir avant tout des “fonctions non agricoles des espaces ruraux”. Où parlera t-on productivisme, pesticides, chlordécone, etc. ?

Au bout du compte, on constate à l’examen de ces données que nombre d’aspects critiques passent sous le tapis (comme les conflits d’aménagement ou les questions de justice spatiale), tout comme sont ignorés les débats entre géographes.

De même, les études de cas imposées questionnent, une fois encore, la liberté pédagogique des enseignants.

B – En histoire, une obsolescence historiographique consternante et un “grand récit” bien trop univoque

Ces programmes témoignent d’une obsolescence historiographique absolument consternante. Les concepteurs du programme se sont refusés à intégrer ce que des ouvrages universitaires ont pu apporter ces trente dernières années. On y retrouve en effet les grandes lignes des programmes des années 1990, lesquels s’appuyaient sur la recherche… des années 1980 (dans le meilleur des cas). Pour nombre d’entre nous, il suffirait presque de ressortir nos cahiers de lycéens pour préparer nos cours… finalement, un temps considérable économisé, au vu de la surcharge des services à prévoir (dans le meilleur des cas, 5 classes pour un agrégé, 6 pour un certifié, avec la charge de correction de copies afférente).

Quelques exemples en témoignent :
• On se félicitera de la suppression in extremis de l’expression “grandes découvertes” (présente dans les textes diffusés par le SNES), remplacée par “découverte du “Nouveau monde””. Toutefois, l’approche préconisée reste ainsi irrémédiablement européo-centrée, maintenant dans l’ombre le caractère systémique de la domination coloniale, et les capacités d’agir et de ré-agir des populations dominées, réduites dans ces programmes à l’impuissance et la passivité face aux violences subies via le “choc microbien” qui les décima. Cet emploi désinvolte et nonchalant de la notion de “découverte”, sous la forme d’une expression historiographiquement aussi dépassée qu’erronée est en réalité très violente sur le fond, niant tant l’agency des sociétés indigènes que les apports historiographiques de l’histoire connectée.

• Dans le même ordre d’idées, l’Occident – la notion n’est jamais interrogée ni construite – est trop souvent présenté comme seul moteur de l’histoire de l’humanité : l’ouverture atlantique est vue comme le début d’une forme de mondialisation, quand l’océan indien était “ouvert” depuis le début du 15e s. ; Les Lumières et le développement des sciences s’y déroulent exclusivement, le modèle britannique ou américain s’imposent comme universels, la Renaissance, l’Humanisme et la Réforme sont l’alpha et l’oméga de la marche de l’histoire, tandis que le reste du monde est voué à un sort incertain (le devenir des populations des Amériques) ou invisibilisé (Lumières sud-américaines, rôle des Gudjeratis ou des Chinois dans l’ouverture du monde avant les explorations européennes).

• L’étude de la période médiévale – réduite à la portion congrue d’un seul chapitre – relève du même type de retour en arrière. Réapparaissent ainsi les “grands ensembles de civilisations” tandis que de nombreux travaux ont démontré la nature problématique du concept de “civilisation”, induisant toujours un “barbare” auquel l’opposer[4]. Quand le programme de 2010 montrait comment la domination religieuse se construisait socialement, on retrouve ici une donnée “civilisationnelle” qui n’est plus interrogée mais envisagée sous le seul angle de l’identité, confrontée avec les autres… religions. Le retour des “croisades” vues uniquement comme une confrontation religieuse, adossées à l’idéologie civilisationniste émanant des formulations du programme, nous semble pour le moins questionnant dans le contexte actuel.

• Repoussée en début de Première, la Révolution française est ainsi excessivement singularisée, et coupée de son contexte atlantique et européen, à rebours de toutes les recherches de ces trente dernières années[5]. Elle est présentée comme point d’origine du contemporain, comme aux plus grandes heures du roman national républicain et en contradiction avec l’enseignement de Michel Vovelle qui répétait inlassablement que pour comprendre la Révolution, il fallait comprendre la période moderne qui la précédait. En lien avec les questions sur l’esclavage et le genre, la vision de Napoléon comme garant de “l’égalité des Français” avec le Code civil (objet d’un point de passage) est évidemment largement problématique, faisant fi de la mise en minorité des femmes clairement inscrite dans ledit Code civil[6], et de la “catastrophe” esclavagiste de la Constitution de 1799 suivie du rétablissement de l’esclavage en 1802-1803[7].

Dans le même temps, la République n’est vue que sous l’angle des “conflits et débats qui empêchent la construction d’un ordre politique stable et nourrissent la violence de la période”. La dépréciation du débat politique est ainsi inscrite noir sur blanc, dans une troublante schizophrénie avec l’EMC, alors même qu’il s’agit d’étudier le moment où s’invente et se construit progressivement le principe démocratique.

De plus, l’ensemble du processus révolutionnaire – a fortiori concernant les mobilisations populaires – est, par cette formulation, ramenée à la violence, alors que la recherche récente montre au contraire le caractère organisé et pacifique de la contestation populaire[8], et que la mise en place de la démocratie revient justement à une organisation pacifique et ritualisée de la violence.

La vision de la “Terreur” est enfin, elle aussi, terriblement datée. Les travaux de Jean-Clément Martin, d’Annie Jourdan et de Timothy Tackett ont profondément renouvelé l’approche de cette période, notamment sous l’angle précisément inverse du refus de la “terreur” instituée.

A l’étude dépréciative de ce qui demeure la première construction s’un système démocratique en France, répond en miroir une valorisation exacerbée de l’autoritarisme napoléonien. Acteur passif d’un dispositif pédagogique étriqué, l’élève de Première déduira fort logiquement que la démocratie, c’est surtout le chaos ; les finalités civiques sont donc ici dévoyées. Quant au rôle des femmes, il est, là encore, envisagé de façon très passéiste, avec la « grande figure girondine », Mme roland. Oubliées les Pauline Léon ou les dames de Halles, dont l’action politique remit en cause de manière bien plus vigoureuse les cadres de genre.

• Le Second Empire n’est pas mieux traité. Outre la présentation caricaturale de Napoléon III en grand ordonnateur de l’Europe, plusieurs questions se posent. La réduction du caractère dictatorial du régime à la proscription de quelques grandes figures est bien regrettable, tout comme cette façon de présenter l’empire comme un régime modernisateur et prompt à satisfaire les intérêts des ouvriers, l’abolition du délit de coalition étant fort opportunément intitulé « droit de grève »… Une fois encore, l’historiographie récente est ignorée au profit d’une vision très passéiste et conservatrice, la « femme prétexte » (Georges Sand) incarnant bien peu le combat décisif des femmes pour leurs droits lors du Second Empire.

• La IIIe République est également traitée de manière très partielle, essentiellement au travers d’une valorisation de la République des opportunistes, au sein de laquelle les “ouvertures” proposées semblent avant tout chercher à montrer que le mouvement ouvrier ne veut pas se fondre dans la République. Silence sur la politique libérale et l’absence, donc, de politique sociale. Silence sur les lois scélérates. Silence aussi, finalement peu surprenant, sur la Commune, si l’on excepte la nouvelle “femme prétexte” Louise Michel.
En somme toute la tension entre République sociale et République libérale, qui court de 1848 à la IIIe et qui permet de mieux comprendre la complexité de la période est gommée, réduite à une belle République consensuelle (libérale) que viennent perturber des agités (les ouvriers, dont on ne présente jamais les projets politiques).
Le résultat, est logique : l’Affaire Dreyfus “divise profondément” les Français. Envisagée dans le cadre d’une “République unissant les Français”, on insiste sur le caractère conflictuel de son “onde de choc”, omettant qu’il s’agit d’un combat pour la justice qui contribue à renforcer la République. Rien n’est dit par ailleurs sur le passage contemporain de l’Affaire d’une République libérale à une République radicale, ou des débuts timides d’une politique sociale.

• L’industrialisation aurait pu apporter un peu d’histoire économique et sociale, dans ce déluge d’histoire politique. Or, elle nous est présentée comme le simple et mécanique résultat de l’application de nouvelles techniques. Cette façon d’expliquer ce que l’on appelait “la Révolution industrielle” s’inspire du livre The Unbound Prometheus publié par l’historien américain David S. Landes en… 1969 (traduit en 1975) ! Pourtant, cette histoire prométhéenne a été depuis fortement critiquée et remise en cause pour son déterminisme technique (Philip Scranton), tandis que d’autres travaux ont mis en lumière le rôle de l’évolution des marchés, de la consommation ou encore des transformations de l’agriculture, entre autres exemples, dans l’industrialisation.

En outre, la succession des régimes politiques français ne paraît pas être un cadre pertinent pour étudier des mutations économiques et sociales, répondant à des temporalités et des inscriptions spatiales différentes. Plutôt que de disperser l’étude de ces enjeux dans deux chapitres scindés par la date de 1870, qui ne fait pas vraiment sens à leur sujet, il aurait sans doute été préférable de retenir un seul chapitre, mais sur un long XIXe siècle et à l’échelle de l’Europe, plus à même de dégager les particularités des transformations en France en les remettant en perspective.

Enfin, là aussi, les femmes et les hommes qui font société sont oubliés au profit d’une lecture mécaniste profondément obsolète.

D’une manière générale, les acteurs collectifs s’effacent derrière des “grandes figures”, des “grands personnages” soigneusement sélectionnés et qui semblent contrôler et scander la marche du temps. On pourrait presque rire du storytelling si périméprescrit par le programme de Première, présentant une France nation-phare de l’humanité et un Napoléon III grand ordonnateur de la construction des États-nations en Europe, “soutenant le Piémont”, “ne s’opposant pas à Bismarck”, Piémont et Prusse se montrant ensuite bien facétieux en outrepassant les grands desseins napoléoniens.

Le rôle des peuples et des mouvements nationaux disparaît, tout comme disparaît Garibaldi – si vraiment il fallait focaliser l’attention des élèves sur une galerie de portraits de “grands hommes”… Il est savoureux de noter qu’au jeu de la disparition, ce soit le démocrate républicain qui fasse les frais d’un programme mené au pas de charge.
Dans l’ensemble, le XIXe siècle, pourtant pièce-maîtresse du programme de Première, est fort malmené.

V – Des programmes où les sociétés sont absentes et qui n’offrent aux élèves ni intelligibilité du monde dans lequel ils grandissent, ni aucune perspective d’action dans celui qu’ils construisent

Malgré les quelques efforts faits en dernière minute par les concepteurs des programmes, l’ensemble reste imprégné par une vision homogène et fixiste des sociétés, à rebours de toutes les approches portées par les sciences sociales.

A – Géographie
1 – Qui sont les acteurs ?

Globalement, le rôle des acteurs, et notamment publics, dans l’aménagement des territoires et dans les équilibres est beaucoup moins mis en avant dans cette proposition que dans le programme précédent. Ainsi, les phénomènes géographiques semblent s’opérer par eux-mêmes, en dehors de toute action de tout ou partie des sociétés.
Ainsi, dans le premier thème de Seconde, articulé autour de la notion d’environnement, l’idée de placer les risques au cœur de la réflexion est stimulante, de même que celle d’étudier les ressources (on notera qu’il s’agit d’ailleurs ici de thèmes déjà présents dans l’actuel programme de géographie de Seconde, et que les chapitres en question – nourrir les hommes, l’eau, l’enjeu énergétique ou encore les espaces exposés aux risques – étaient plutôt appréciés des collègues comme des élèves et permettaient bien l’étude des notions de ressources et de risques). Cependant, il manque à la présentation de ce thème le mot clé d’aménagement, qui permettrait véritablement de montrer le rôle et la responsabilité des sociétés sur les dynamiques environnementales.

La géographie sociale a entièrement disparu, de même que la géographie (du) sensible. Une fois encore, ce n’est plus un fossé qui sépare la géographie scolaire de la recherche, mais un gouffre.

2 – Où sont les questions sensibles et les enjeux contemporains ?

Dans le deuxième thème du programme de Seconde, intitulé “Territoires, Population et développement”, on retrouve de nombreux éléments de l’actuel thème introductif de géographie. Une fois encore, si déconstruire l’idée d’un “modèle” de développement est intéressante, il semble qu’il s’agisse bien peu d’amener les élèves à réfléchir aux inégalités et à la justice spatiale. Une belle occasion est ainsi manquée d’introduire certaines recherches sur le rôle des femmes dans les trajectoires démographiques et de développement.

Le troisième thème de l’année, portant sur les mobilités, ressemble beaucoup à ce que les élèves étudient déjà en 4ème. On aurait alors pu espérer que les études de cas choisies éviteront redites et ennui : pourquoi ne pas avoir proposé une étude de cas, d’une brûlante actualité pourtant, sur les migrations forcées et les réfugiés ?

Ce thème permet par ailleurs d’amener les élèves à comprendre que les géographes perçoivent les mobilités comme une notion large, englobant migrations internationales et déplacements quotidiens, appréhendés par la discipline dans une continuité de questionnements et d’analyses, sans pour autant les mettre sur le même plan. Il aurait aussi été intéressant d’utiliser l’idée de transition numérique pour montrer qu’elle modifie le rapport des populations aux déplacements, à toutes les échelles, par les outils de globes numériques et de géolocalisation.

Enfin, la proposition initiale d’un chapitre conclusif sur l’Afrique a été réduite à un chapitre consacré à l’Afrique australe seule. Outre le fait qu’il s’agit d’une Afrique moins francophone, ce qui peut interroger sur le choix d’éviter les discussions sur les liens persistants de la Françafrique, les travaux de géographes français sur cette aire géographique portent surtout sur l’Afrique du Sud et amèneront probablement à réduire les analyses à ce seul pays, dont la trajectoire toute particulière ne peut en rien rendre compte des dynamiques régionales, et encore moins continentales. Là encore, qui plus est, l’étude de sous-ensembles régionaux africains est déjà menée dans les nouveaux programmes de collège, en 4ème.

Le premier thème de Première, sur la métropolisation, est une simple réécriture de l’actuel chapitre de Seconde sur les villes, tandis que la question spécifique sur la France n’est qu’une version courte de l’actuel chapitre de Première portant sur “La France en villes”. Les collègues pourront se rassurer en s’appuyant sur ce qu’ils enseignent déjà… Mais le programme évacue totalement les notions de ségrégation et de gentrification ! D’autres notions, comme celles de patrimonialisation ou de pratiques genrées des espaces publics, actuellement abordées dans le programme de Première, semblent également disparaître.

Le deuxième thème sur la diversification des espaces et des acteurs de la production évacue lui aussi des notions attendues et semble peu ancré dans le local. Disparaissent par exemple les études de cas sur les reconversions (tiens, un terme de géographie !) des systèmes productifs en crise. Les notions géographiques de hub ou de cluster ne sont pas utilisées, celle de réseau est réduite à sa portion congrue (« réseau de production »), alors que les géographes la mobilisent de plus en plus. De même, le troisième thème sur les espaces ruraux, dans lequel l’entrée proposée, par les fonctions, devrait permettre de mieux mettre en avant les acteurs, leurs usages et leurs perceptions des territoires, n’utilise pas lui non plus des notions géographiques pourtant usuelles comme celle de périurbanisation. De même, là où il aurait été intéressant d’employer le terme de transition – puisque les concepteurs du programme semblent tant y tenir – alimentaire pour faire réfléchir aux évolutions des systèmes productifs agricoles, il n’est question que des débouchés de l’agriculture, dans une approche plus économique que sociale, évacuant largement la question environnementale.

Tout au long de la scolarité au lycée, la multiplication des moments d’étude de la géographie est pensée pour produire une meilleure connaissance de la France. Mais comme l’ont souligné plusieurs géographes universitaires dans une tribune parue le 17 octobre 2018 dans le journal Le Monde, le risque est plutôt celui de la dispersion et de l’absence d’analyse cohérente et structurée des dynamiques à l’œuvre en France, articulée à celles de l’échelle européenne, dont l’importance s’efface. La place de l’Union européenne, comme acteur politique en soi dans l’aménagement des territoires, émanant des Etats membres eux-mêmes, était de fait bien davantage mise en avant dans les programmes de 2010.

Enfin, l’idée d’imposer un chapitre final de géographie régionale n’est pas mauvaise en soi. Elle correspond à une demande et à un besoin des enseignants comme de leurs élèves d’approfondir des thématiques et de mieux faire comprendre, en confrontant des notions à un espace donné. Mais pourquoi ne pas avoir laissé là le libre choix de l’aire géographique étudiée à l’enseignant ?
Le texte qui introduit le “thème” sur la Chine en Première (une étude d’aire régionale ou de pays n’est donc pas un thème en soi, mais une sorte d’étude de cas conclusive et qui permettrait simplement de synthétiser, remobiliser et illustrer des notions étudiées auparavant) montre bien qu’il aurait été tout aussi intéressant de l’étudier en fin de Seconde.

3 – Faire de la géographie autrement ?

Les multiples possibilités d’enseigner autrement la géographie, par la construction de cartes, par la production et l’analyse d’images, par des sorties de terrain, par la manipulation des globes terrestres et virtuels ou encore par des jeux de rôles, ne sont pas du tout envisagées. Les concepteurs du programme se limitent à suggérer l’invitation en classe des acteurs “de la vie économique et publique”, l’adjectif “économique” passant avant même celui de public alors que l’aménagement du territoire (et son corollaire d’égalité des chances sur les territoires) est censé être une prérogative des acteurs publics.

Enfin, on est plutôt étonnés par le choix des études de cas qui figurent dans le programme de géographie. On comprend qu’elles sont des propositions et que les enseignants seront libres de leur choix. Mais on peut raisonnablement penser qu’avec la charge de travail que représentera le changement de trois programmes et la mise en oeuvre de l’enseignement de spécialité sur deux niveaux en deux ans (alors que les enseignants ont dû, en moins de dix ans, absorber une réécriture complète des programmes de lycée en 2010 puis la réforme du collège et la réécriture récente de l’ensemble des programmes qu’elle supposait), la géographie sera moins préparée que l’histoire par des collègues en majorité formés comme historiens. Le réflexe sera alors de reprendre des morceaux de cours déjà existants (sur l’Arctique, le Brésil ou l’Inde ou encore sur l’aéronautique français et européen). Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir plutôt conservé les programmes antérieurs en les améliorant ? Pourquoi ne pas avoir plutôt accru la liberté pédagogique ?

En l’état, certaines propositions d’études de cas, nouvelles, semblent très pointues, tandis qu’elles sont pour la plupart mal articulées aux questions de chaque chapitre. Comme si les auteurs de ce programme avaient manqué de temps et travaillé dans l’urgence. Et ce n’est pas le simulacre de consultation proposé en novembre 2018 qui permet d’envisager des évolutions radicales de l’architecture et des « notions » proposées, avec la réserve exposée plus haut sur leur véritable statut.

B – Histoire
1 – Où sont les femmes ?

Ces programmes – dans leur version définitive et pensant sans doute en cela corriger l’un des manquements reprochés à la version de travail mise en ligne par le SNES – n’échappent guère à la règle de “la femme prétexte”, à savoir l’obligation de placer ici et là quelques figures féminines notables, à la manière de Jeanne d’Arc, cet “homme célèbre” des manuels de la IIIe République.

Il est tout de même confondant de devoir encore, près de quarante ans après les premiers travaux sur l’histoire des femmes et l’ensemble de l’œuvre d’une association comme Mnémosyne, rappeler que les femmes ne sont pas des “points de passage” mais des actrices à part entière de la marche de l’histoire.

Pour le collectif Aggiornamento, c’est une chose tellement entendue que nous en sommes depuis longtemps à réclamer une approche en terme de genre plutôt que de femmes. On en est ici bien loin. Les programmes actuels, plus encore que les précédents, rendent ce projet impossible, et ce ne sont pas quelques “femmes prétextes” disséminées au long cours de programmes sans acteurs autres qu’une série de “grands hommes” qui suffiront à rendre ces programmes acceptables de ce point de vue.

2 – Où sont les classes populaires ?

En classe de Seconde, la crise de la société d’ordres est avant tout présentée comme le fruit d’une mutation des idées venues d’Angleterre, qui auraient infusé dans l’esprit des Lumières. Les révoltes paysannes sont repoussées à la fin, en “points de passage et d’ouverture” et non comme points de tension principaux, et la violence de la domination sociale n’est jamais véritablement évoquée, alors même que le royaume de France est en effervescence. On ne saura ainsi rien des rapports de domination, des processus sociaux, ni de la différenciation sociale d’appréhension des événements. Tout cela va à rebours des travaux historiques récents ; on pense aux histoires populaires de la France de Michelle Zancarini-Fournel et Gérard Noiriel mais aussi à tous les travaux d’histoire sociale comme ceux de Jean Nicolas[9].

Une fois encore, on se retrouve avec une histoire surplombante, événementielle et téléologique où le perlage de quelques références à l’histoire ouvrière ou à quelques figures choisies camoufle mal la pauvreté épistémologique et historiographique.

En conclusion

“Quelle misère intellectuelle”, s’indignait notre collègue Vincent Capdepuy dans une tribune du Monde[10] dont nous partageons très largement le diagnostic. Ces programmes sont poussiéreux, désenchantants, déprimants. Ultra-conservateurs derrière quelques enrobages faussement progressistes, ils sont très conformes à un roman civilisationnel bien installé depuis plus d’un siècle et font fi de trente ans de recherche en histoire comme en géographie. Ils nous feraient presque déjà regretter les précédents programmes dont nous avions pourtant souvent dénoncés les travers et nous convainquent qu’ils sont, effectivement, bien pires.
Ils font injure à notre jeunesse, à son intelligence, à sa curiosité et à sa vivacité. Ils font aussi injure aux enseignants, réduits à de simples exécutants, ravalés au rang de machines à évaluer, sans parler du mépris sous-jacent du travail des collègues de collège. Certain-e-s tenteront peut-être de nous convaincre des biens-fondés de la répétition didactique ; nous n’y voyons qu’un bégaiement, le travail de nos collègues comme les acquis des élèves étant totalement déconsidérés.
Soyons volontairement alarmistes : ces programmes sont à refuser en bloc. Ils ne servent qu’à accompagner une réforme délétère et ne serviront que la cause des élèves les plus favorisés.
Nous ne sommes pas devenus enseignants pour accompagner l’ordre dominant mais pour travailler avec les élèves, tous les élèves, d’où qu’ils viennent et quelles que soient leurs destinations.
Pédagogues, historien.ne.s, géographes, chercheurs.ses, nous croyons au potentiel émancipateur de nos disciplines par la critique, et nous condamnons fermement cette régression sans précédent.
________________________________________
[1]. D’anciens membres du CSP précisent ici les modalités d’écriture des programmes du lycée pour la rentrée 2019. Le texte est édifiant !
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/071118/programmes-du-lycee-attention-danger
[2]. Le renvoi de ce questionnement pourtant fondamental au seul programme de spécialité, alors qu’il devrait être au fondement de l’enseignement et de la réflexion sur nos disciplines, ne peut être considéré comme satisfaisant, notamment à l’heure où le besoin d’exactitude et de fiabilité de l’information est accru et où l’on ne cesse de reprocher à l’école de ne pas suffisamment le travailler.
[3]. “développer son esprit critique”, “exercer un esprit critique”, “avoir une approche critique”, “avoir une écoute active et critique”, etc.
[4]. Maurice Godelier : “Contrairement à la « culture », la « civilisation » ne peut être pensée seule, car elle comporte toujours implicitement un jugement de valeur en opposition à un autre, plus barbare ; par exemple, dans « civilisation » il y a civis, c’est-à-dire citoyen. Il y a l’idée grecque et romaine que les civilisés sont ceux qui vivent dans les cités ou les États, par opposition aux barbares qui sont nomades ou paysans “
http://journals.openedition.org/mondesanciens/2173 ; DOI : 10.4000/mondesanciens.2173
[5]. Pour ne citer que quelques références, voir entre autres la réédition de Robert R. Palmer, The Age of Democratic Revolution. A Political History of Europe and America, 1760-1800, Princeton and Oxford, Princeton University Press, 2014 ou encore Michael A. McDonnell (dir.), Rethinking the Age of Revolution, Atlantic Studies/ Global Currents, vol. 13, n°3, 2016
[6]. Voir les travaux de Dominique Godineau, Lynn Hunt, Jean-Clément Martin…
[7]. Voir Bernard Gainot, La Révolte des esclaves. Haïti, 1763-1803, Vendémiaire, 2017 ; L’Empire colonial français, de Richelieu à Napoléon, Armand Colin, 2015 ; Frédéric Régent, Jean-François Niort, Pierre Serna (dir.), Les colonies, la Révolution française et la loi, PUR, 2014.
[8]. 95% des actions collectives entre 1787 et 1795 sont de nature pacifique. Voir les travaux de Micah Alpaugh, Non-Violence and the French Revolution, Cambridge University Press, 2014.
[9]. Jean Nicolas, La Rébellion française. Mouvements populaires et conscience sociale (1661-1789), Gallimard, 2002
[10]. https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/25/programmes-d-histoire-quelle-misere-intellectuelle_5374192_3232.html

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